HISTOIRE DE... SELON BORIS LE LAY
Histoire de la ville de Königsberg
Publié le 13/11/2012
par konigsberg
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L’HISTOIRE DE KÖNIGSBERG
L’HISTOIRE DE KÖNIGSBERG
Par GERFRIED HORST
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Après
son retour de la Palestine, l’ordre des chevaliers teutoniques, issu de
la fraternité que les croisés avaient nouée en Terre sainte, était à la
recherche d’une nouvelle mission. En 1226, le prince polonais Konrad de
Masovie fit appel à l’ordre pour l’aider à christianiser les Prussiens
païens (une ethnie apparentée aux Lituaniens). En réponse, le grand
maître de l’ordre, Hermann von Salza, fit transférer à l’ordre par
l’empereur Frédéric II et le pape Grégoire IX la souveraineté sur le
territoire de la Prusse.
Les
Prussiens furent conquis, mais non pas anéantis ; ceux qui acceptèrent
de se faire baptiser restaient sur leur terres, les nobles gardaient
leur rangs. Ils se mélangeaient avec les colons immigrés de l’Allemagne.
La langue prussienne continuait à exister. En 1561, le catéchisme
luthérien fut imprimé pour eux dans la langue prussienne qui ne
s’éteignit tout à fait qu’au début de XVIIIe siècle. Mail il y avait des
mots prussiens qui se maintenaient dans le dialecte parlé en Prusse
orientale, dont la prononciation s’expliquait sans doute elle aussi par
la vieille langue autochtone ; il y a des noms de famille typiquement
prussiens, et il y avait des noms prussiens de villes et de villages, de
fleuves et de sites qui n’ont disparus qu’en 1945.
Königsberg
(« Mont réal ») fut fondé en 1255 et nommé d’après le roi Ottokar II.
de Bohème qui faisait partie de la croisade contre les Prussiens. La
ville consistait de quatre parties : le château de l’ordre, la ville de
« Kneiphof » dans l’ile formée par le fleuve Pregel (c’est là où se
trouve la cathédrale, commencée en 1333), l’ « Altstadt » et Löbenicht.
Chaque ville avait ses institutions, son marché, son église et ses
propres fortifications. L’ensemble, cependant, dès le début s’appelait
Königsberg. Les trois villes ne furent réunies sous une seule
administration qu’en 1724, l’année de la naissance dans ses murs
d’Emmanuel Kant. Les armoiries de Königsberg se composent des armes des
trois villes réunies, couronnées par l’aigle prussien.
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Le
Grand-maître avait sa résidence au château de Marienbourg en Prusse
occidentale, le plus grand château-fort du moyen âge, entièrement
construit de briques. Le 15 juillet 1410, les chevaliers de l’Ordre
teutonique perdirent la bataille de Tannenberg (les Polonais l’appellent
la bataille de Grunwald) contre l’armée du roi polonais Wladislaw II.
Le Grand-maître Ulrich von Jungingen y mourut, mais le château de
Marienbourg ne fut pas conquis. En 1466, cependant, l’ordre fut
contraint de céder la Prusse occidentale y compris le château de
Marienbourg au roi de Pologne. Le Grand-maître transféra sa résidence à
Königsberg.
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Le
dernier Grand maître, Albrecht de Brandebourg, introduisit la Réforme
et changea sur le conseil de Martin Luther l’État religieux en un duché
laïc. En 1544, Albrecht fonda l’université de Königsberg, avec le but
de former des pasteurs et des administrateurs protestants. Son fils
étant faible d’esprit, l’Électeur de Brandebourg devint tout d’abord
régent et, en 1618, hérita du duché de Prusse. Devenu duc de Prusse,
l’Électeur se trouvait à la fois vassal de l’Empereur et du roi de
Pologne. Ses possessions s’étendaient pour moitié dans le Saint Empire
(le Brandebourg) et pour moitié en dehors (la Prusse orientale). La
ville capitale du nouvel État se trouvait sans conteste être Königsberg
devenue, sous les chevaliers teutoniques et en tant que membre de la
Hanse, une cité commerciale sans pareille au Brandebourg. L’Électeur
Frédéric-Guillaume, régnant de 1640 jusqu’à 1688, en 1656 obtint la
reconnaissance du roi de Pologne et en 1657 celle de la Suède de son
entière souveraineté sur le duché de Prusse. Après la révocation de
l’Édit de Nantes, il offrit l’accueil aux huguenotsfrançais autant à Berlin qu’en Prusse orientale et à Königsberg. À Königsberg, donc en dehors du Saint Empire où cela n’aurait pas été possible, le 18 janvier 1701, l’Électeur Frédéric III se fit couronner roi, sous le nom de Frédéric Ier.
Officiellement il n’était que « Roi en Prusse », c’est-à-dire au
Brandebourg il restait Électeur. Ce n’est que Fréderic II qui donnait le
nom de « Prusse » à toutes ses possessions et était donc « Roi de
Prusse ». Le dernier des Hohenzollern qui s’y fit couronner roi de
Prusse était Guillaume I en 1861. Exactement 170 ans après le
couronnement du premier roi de Prusse à Königsberg, le 18 janvier 1871
dans le château de Versailles, le roi Guillaume I fut proclamé Empereur
allemand. Jusqu’à la fin de la monarchie en 1918, Königsberg portait le
titre officiel de » capitale et ville de résidence royale ».
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Au début du XVIIe siècle, la peste dépeuplait larges parties de la Prusse orientale.Le
roi Frédéric-Guillaume I avait donc intérêt d’y attirer des gens
d’autres pays de l’Europe pour « répeupler » les contrées désertes. Il
y avait des vagues d’immigrés, des huguenots français, des calvinistes
suisses, les protestants chassés de Salzbourg, des écossais. Ils se
mélangeaient avec les restes des prussiens autochtones, avec les
allemands, les lituaniens et les polonais qui vivaient dans certaines
parties du pays. La Prusse orientale était un pays d’immigration comme
l’Amérique. De toutes ces gens diverses, il se formait la population
homogène de la Prusse orientale.
En
1724, à Königsberg naquit Emmanuel Kant. Il y écrivit ses œuvres
immortelles et y vécut jusqu’à sa mort, en 1804. Son esprit embrassait
l’univers ; mais pendant toute sa vie de presque 80 ans, il n’a vu que
les paysages de la Prusse orientale et la seule ville de Königsberg.
Dans la préface à son œuvre « Anthropologie d’un point de vue
pragmatique », il a fait l’éloge de sa ville natale bien-aimée : « Une
grande ville, au centre d’un État qui réunit les assemblées du
gouvernement, une université (pour la culture des sciences) et une
situation favorable du trafic maritime, permettant un commerce par voie
fluviale entre l’intérieur du pays et des contrées limitrophes ou
éloignées, avec des mœurs et des langues différentes , - telle est, à
l’exemple de Königsbergsur
le Pregel, la ville qu’on peut considérer comme adaptée au
développement de la connaissance des hommes et du monde, et où, sans
voyage, cette connaissance peut être acquise. »
Kant
n’était pas le seul grand homme issu de Königsberg. Au XVIIe siècle, le
poète Simon Dach y écrivait des vers immortels et rassemblait autour de
lui un cercle de poètes et de musiciens. Les chants de Noel allemands
les plus connus ont leur origine à Königsberg. Johann Christoph
Gottsched (1700 – 1766), le « pape » de la littérature allemande de son
temps, est né et a étudié à Königsberg. L’ami et à la fois l’adversaire
de Kant était son compatriote Johann Georg Hamann (1730 – 1788), le
soi-disant « Mage du nord ». Un autre fils de Königsberg, Ernst Wilhelm
Theodor Hoffmann (1776 – 1822), écrivain et musicien, changeait son
troisième prénom de Theodor en Amadeus par amour pour Wolfgang Amadeus
Mozart.
Pendant
la Guerre de Sept ans, la Prusse orientale était occupée par les russes
de 1758 jusqu’à 1762. Le gouverneur russe, le baron Nicholas von Korff,
un aristocrate allemand de la Courlande, ne savait même pas le russe.
L’administration allemande de Königsberg continuait comme auparavant.
C’est à l’impératrice russe Élisabeth qu’Emmanuel Kant écrit une lettre
le 14 décembre 1758 pour lui demander d’être nommé professeur de logique
et métaphysique à l’université de Königsberg. Frédéric le Grand était
si mécontent de la collaboration de ses sujets avec les russes qu’après
la guerre il ne mettait plus les pieds à Königsberg.
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Königsberg
est tout palpitant d’histoire. Ici s’était réfugié la Cour de Berlin
après la défaite d’Iéna en 1806 ; Frédéric-Guillaume III, le roi à
l’esprit indécis et à la volonté flottante, y appela le baron vom Stein
pour réformer la Prusse ; d’ici, la reine Louise souffla son âme
héroique à sa patrie. Le 12 juin 1812, Napoléon passait quelques jours à
Königsberg pour ensuite mener la Grande Armée en guerre contre la
Russie. Après la catastrophe de celle-ci, le général Yorck von
Wartenburg, commandant le contingent prussien de la Grande Armée, de sa
propre initiative signa avec les représentants russes (le général
Diebitsch, le colonel von Clausewitz et le conte Dohna, qui, en effet,
étaient tous des allemands) la « convention de Tauroggen ». Le 8 janvier
1813 il apparut avec son corps d’armée à Königsberg, se proclama
gouverneur général de la Prusse orientale et convoqua la diète de la
province qui promulgua le 7 février 1813 la loi concernant
l’organisation de la « landwehr » (réserve de l’armée territoriale). Le
roi Frédéric-Guillaume III n’avait pas le choix ; il devait approuver
les actions du général. Le 20 mars 1813 il publia l’appel « À mon
peuple », conclut une alliance avec le tsar Alexandre I et déclara la
guerre à la France. Commencée à Königsberg, la guerre de Libération ne
s’acheva pas avant l’entrée des troupes allemandes et russes à Paris le
31 mars 1814 et la bataille de Waterloo le 18 juin 1815.
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Avant les Prussiens - Après les soviets
La
Prusse orientale a aussi donné naissance à des femmes connues. Käthe
Kollwitz (1867 – 1945) était peintre et sculpteur d’inclination
pacifiste et sociale. La philosophe politique juive Hannah Arendt (1906 –
1975), fille de parents originaires de Königsberg, grandit dans cette
ville dès l’âge de trois ans. C’est dans la ville de Kant où elle
faisait connaissance avec les idées de celui-ci. Agnes Miegel (1879 –
1964), poète, appelée « mère de la Prusse orientale », était d’un tout
autre spectre politique qu’Hannah Arendt, plus à droite et plus
populaire. Beaucoup de ses poésies ont été traduites en russe ; les
russes qui maintenant habitent la région la vénèrent. La comtesse Marion
Doenhoff (1909 – 2002), longtemps éditrice du journal « DIE ZEIT »,
descendante d’une vieille famille aristocrate prussienne, qui avait
grandi au château somptueux de Friedrichstein à une vingtaine de
kilomètres de Königsberg, aujourd’hui disparu, a organisé en 1992 la
restauration de la statue d’Emmanuel Kant devant le bâtiment de
l’université de Königsberg.
Dans
les nuits du 26 au 27 et du 29 au 30 août 1944, Königsberg fut détruit
par l’aviation britannique (Royal Air Force). Un témoin des
bombardements, Michael Wieck, qui alors avait 16 ans, écrit dans son
livre Témoignage sur la disparition de Königsberg — un personnage considéré comme « valant Juif » rapporte:
« Deux attaques aériennes avec au total plus de 800 bombardiers lourds
britanniques anéantirent une fois pour toutes ce qui avait été édifié et
élaboré péniblement au cours des siècles. L’ancienne et vénérable ville
à la beauté incomparable se changea en une mer de flammes et un champ
de ruines. » Plus de cinq mille habitants de Königsberg furent brûlés,
200.000 perdirent leur toits, l’université, le centre-ville médiéval, la
cathédrale, le château, des trésors culturels irréparables étaient
perdus à jamais.
En
1939, Königsberg avait 380.000 habitants. Quand il devint évident en
automne 1944 que l’armée soviétique s’approchait, les autorités nazies
interdisaient à tous de fuir. Seulement vers la fin du mois de janvier
1945, lorsque la ville fut déjà encerclée par l’Armée rouge, le
Gauleiter Koch permit à la population civile d’abandonner Königsberg ;
lui-même s’enfuit le premier. Les Allemands parvinrent à rétablir les
communications avec l’avant-port de Pillau, d’où des bateaux de toutes
sortes évacuaient des dizaines de milliers de réfugiés, accomplissant de
vrais prodiges.
Les
restes des troupes allemandes défendirent les ruines de Königsberg
contre l’armée soviétique jusqu’à la capitulation sans condition de la
ville, le 9 avril 1945. À la conférence de Potsdam, en juillet 1945,
Truman et Churchill se déclarèrent d’accord avec le souhait de Staline
d’attribuer à l’Union soviétique Königsberg et le territoire attenant.
Sur les 120 000 civils allemands qui, à cette date, se trouvaient encore
dans la ville, environ 100 000 moururent d’actes de violence, de faim
et de maladie, au cours des trois années suivantes. Les quelques
survivants furent déportés en 1948 vers l’Allemagne de l’Ouest.
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Le
3 juin 1946 mourut Michaïl Ivanovitch Kalinine, le président officiel
de l’Union Soviétique, en réalité un valet de Staline. Il se trouva que
l’on cherchait précisément alors un nom russe pour la capitale de la
Prusse orientale, conquise l’année précédente. Un mois plus tard, le 4
juillet 1946, un décret signé par Staline donnait à Königsberg le nom de
Kaliningrad, et à la partie de la Prusse orientale sous administration
soviétique le nom de « Kaliningradskaïa oblast » [territoire de
Kaliningrad]. Depuis 1959, la statue gigantesque de Kalinine se dresse
en pied devant la gare centrale de la ville. Mais il n’y a pas que la
ville qui porte son nom : c’est aussi le cas de la place sur laquelle se
dresse son monument et de la rue qui en part.
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La
population allemande de la ville et la région fut remplacée par des
citoyens soviétiques venus de tous les coins de l’Union soviétique.
Jusqu’en 1991, l’intégralité du territoire fut une zone militaire
interdite, à laquelle ni les visiteurs occidentaux ni même les citoyens
soviétiques d’autres régions du pays n’avaient accès. Depuis
l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, le territoire est une
enclave russe entre la Lituanie et la Pologne, deux pays qui sont
membres de l’Union européenne depuis 2004. Il forme donc un îlot russe à
l’intérieur de l’Union européenne. Par un étrange hasard de l’histoire,
la région de Kaliningrad se trouve coupée de la Russie tout comme la
Prusse orientale était coupée de l’Allemagne pendant les années de 1919
jusqu’à 1939.
Ayant
expulsé la population allemande, les autorités soviétiques voulaient
faire de Kaliningrad une ville-modèle communiste, sans passé. Les ruines
des maisons allemandes de la vieille ville furent rasées et remplacées
par des bâtiments modernes de style soviétique. Seulement en 1969, la
ruine du château fut faite sauter. Par miracle, le seul édifice intact
au centre-ville était le tombeau de Kant annexé au côté nord de la
cathédrale, entouré de 13 piliers dont ni un seul n’était détruit. Les
communistes considéraient Kant comme « grand-père » de Marx (le « père »
étant Hegel). S’il n’y avait pas eu le tombeau de Kant, la ruine de la
cathédrale aurait sans doute été déblayée elle aussi. C’est donc Kant
qui a sauvé la cathédrale. Depuis 1992, elle est en train d’être
reconstruite par un effort en commun des russes et des allemands.
ruines de la cathedrale en 1945
Après
l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, les russes vivant dans le
territoire de Kaliningrad ont commencé à s’intéresser à l’histoire de
leur ville et du pays. Ils n’ont pas peur du passé allemand ; les
élèves l’apprennent à l’école. Des photos du vieux Königsberg se
trouvent partout. En ce qui concerne le nom de la ville, il semble
devenu courant d’user des deux noms. L’acheteur de cartes postales de la
cathédrale, de la porte royale ou du monument à la mémoire de Kant y
trouve le plus souvent inscrit « Königsberg-Kaliningrad ». Les jeunes
appellent la ville « Kenig ». Les touristes étrangers qui viennent
visiter ce territoire, malgré les difficultés de visas et les moyens de
transports insuffisants, sont surtout des anciens habitants de la Prusse
orientale et leurs descendants. Mais il y a aussi des russes qui
viennent de la « grande Russie » pour regarder un bout de l’Allemagne
devenu part de la Russie, ayant un caractère tout à fait différent de
celle-ci. La nouvelle cathédrale orthodoxe érigée sur la place centrale
en 2005 ne réussit pas à faire oublier 700 ans d’histoire allemande. Il y
a une rupture profonde dans l’histoire de Königsberg, mais son histoire
continue.
Gerfried Horst
(Texte partiellement basé sur le livre « De Königsberg à Kaliningrad » de Viviane du Castel, Paris 2007)
(konisberg.centerblog.net)
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