mercredi 14 novembre 2012

HISTOIRE DE... SELON BORIS LE LAY

Histoire de la ville de Königsberg

Publié le 13/11/2012
 par konigsberg  
 
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L’HISTOIRE  DE  KÖNIGSBERG

Par  GERFRIED HORST
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Après son retour de la Palestine, l’ordre des chevaliers teutoniques, issu de la fraternité que les croisés avaient nouée en Terre sainte, était à la recherche d’une nouvelle mission. En 1226, le prince polonais Konrad de Masovie fit appel à l’ordre pour l’aider à christianiser les Prussiens païens (une ethnie apparentée aux Lituaniens). En réponse, le grand maître de l’ordre, Hermann von Salza, fit transférer à l’ordre par l’empereur Frédéric II et le pape Grégoire IX la souveraineté sur le territoire de la  Prusse.



Les Prussiens furent conquis, mais non pas anéantis ; ceux qui acceptèrent de se faire baptiser restaient sur leur terres, les nobles gardaient leur rangs. Ils se mélangeaient avec les colons immigrés de l’Allemagne. La langue prussienne continuait à exister. En 1561,  le catéchisme luthérien fut imprimé pour eux dans la langue prussienne qui ne s’éteignit tout à fait qu’au début de XVIIIe siècle. Mail il y avait des mots prussiens qui se maintenaient dans le dialecte parlé en Prusse orientale, dont la prononciation s’expliquait sans doute elle aussi par la vieille langue autochtone ; il y a des noms de famille typiquement prussiens, et il y avait des noms prussiens de villes et de villages, de fleuves et de sites qui n’ont disparus qu’en 1945.
Königsberg (« Mont réal ») fut fondé en 1255 et nommé d’après le roi Ottokar II. de Bohème qui faisait partie de la croisade contre les Prussiens. La ville consistait de quatre parties : le château de l’ordre, la ville de « Kneiphof » dans l’ile formée par le fleuve Pregel (c’est là où se trouve la cathédrale, commencée en 1333), l’ « Altstadt » et Löbenicht. Chaque ville avait ses institutions, son marché, son église et ses propres fortifications. L’ensemble, cependant,  dès le début s’appelait Königsberg. Les trois villes ne furent réunies sous une seule administration qu’en 1724, l’année de la naissance dans ses murs d’Emmanuel Kant. Les armoiries de Königsberg se composent des armes des trois villes réunies, couronnées par l’aigle prussien.
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Le Grand-maître avait sa résidence au château de Marienbourg en Prusse occidentale, le plus grand château-fort du moyen âge, entièrement construit de briques. Le 15 juillet 1410, les chevaliers de l’Ordre teutonique perdirent la bataille de Tannenberg (les Polonais l’appellent la bataille de Grunwald) contre l’armée du roi polonais Wladislaw II. Le Grand-maître Ulrich von Jungingen y mourut, mais le château de Marienbourg ne fut pas conquis. En 1466, cependant, l’ordre fut contraint de céder la Prusse occidentale y compris le château de Marienbourg au roi de Pologne. Le Grand-maître transféra sa résidence à Königsberg.
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Le dernier Grand maître, Albrecht de Brandebourg, introduisit la Réforme et changea sur le conseil de Martin Luther l’État religieux en un duché laïc. En 1544,  Albrecht fonda l’université de Königsberg, avec le but de former des pasteurs et des administrateurs protestants. Son fils étant faible d’esprit, l’Électeur de Brandebourg devint tout d’abord régent et, en 1618, hérita du duché de Prusse. Devenu duc de Prusse, l’Électeur se trouvait à la fois vassal de l’Empereur et du roi de Pologne. Ses possessions s’étendaient pour moitié dans le Saint Empire (le Brandebourg) et pour moitié en dehors (la Prusse orientale). La ville capitale du nouvel État se trouvait sans conteste être Königsberg devenue, sous les chevaliers teutoniques et en tant que membre de la Hanse, une cité commerciale sans pareille au Brandebourg. L’Électeur Frédéric-Guillaume, régnant de 1640 jusqu’à 1688, en 1656 obtint la reconnaissance du roi de Pologne et en 1657 celle de la Suède de son entière souveraineté sur le duché de Prusse. Après la révocation de l’Édit de Nantes, il offrit l’accueil aux huguenotsfrançais autant à Berlin qu’en Prusse orientale et à Königsberg. À Königsberg, donc en dehors du Saint Empire où cela n’aurait pas été possible, le 18 janvier 1701, l’Électeur Frédéric III se fit couronner roi, sous le nom de Frédéric Ier. Officiellement il n’était que « Roi en Prusse », c’est-à-dire au Brandebourg il restait Électeur. Ce n’est que Fréderic II qui donnait le nom de « Prusse » à toutes ses possessions et était donc « Roi de Prusse ». Le dernier des Hohenzollern qui s’y fit couronner roi de Prusse était Guillaume I en 1861. Exactement 170 ans après le couronnement du premier roi de Prusse à Königsberg, le 18 janvier 1871 dans le château de Versailles, le roi Guillaume I fut proclamé Empereur allemand. Jusqu’à la fin de la monarchie en 1918, Königsberg portait le titre officiel de » capitale et ville de résidence royale ».
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Au début du XVIIe siècle, la peste dépeuplait larges parties de la Prusse orientale.Le roi Frédéric-Guillaume I avait donc intérêt d’y attirer des gens d’autres pays de l’Europe pour « répeupler » les contrées désertes. Il y avait des vagues d’immigrés, des huguenots français, des calvinistes suisses, les protestants chassés de Salzbourg, des écossais. Ils se mélangeaient avec les restes des prussiens autochtones, avec les allemands, les lituaniens et les polonais qui vivaient dans certaines parties du pays. La Prusse orientale était un pays d’immigration comme l’Amérique. De toutes ces gens diverses, il se formait la population homogène de la Prusse orientale.
En 1724, à Königsberg naquit Emmanuel Kant. Il y écrivit ses œuvres immortelles et y vécut jusqu’à sa mort, en 1804. Son esprit embrassait l’univers ; mais pendant toute sa vie de presque 80 ans, il n’a vu que les paysages de la Prusse orientale et la seule ville de Königsberg. Dans la préface à son œuvre « Anthropologie d’un point de vue pragmatique », il a fait l’éloge de sa ville natale bien-aimée : « Une grande ville, au centre d’un État qui réunit les assemblées du gouvernement, une université (pour la culture des sciences) et une situation favorable du trafic maritime, permettant un commerce par voie fluviale entre l’intérieur du pays et des contrées limitrophes ou éloignées, avec des mœurs et des langues différentes , - telle est, à l’exemple de Königsbergsur le Pregel, la ville qu’on peut considérer comme adaptée au développement de la connaissance des hommes et du monde, et où, sans voyage, cette connaissance peut être acquise. »


Kant n’était pas le seul grand homme issu de Königsberg. Au XVIIe siècle, le poète Simon Dach y écrivait des vers immortels et rassemblait autour de lui un cercle de poètes et de musiciens. Les chants de Noel allemands les plus connus ont leur origine à Königsberg. Johann Christoph Gottsched (1700 – 1766), le « pape » de la littérature allemande de son temps, est né et a étudié à Königsberg. L’ami et à la fois l’adversaire de Kant était son compatriote Johann Georg Hamann (1730 – 1788), le soi-disant « Mage du nord ». Un autre fils de Königsberg, Ernst Wilhelm Theodor Hoffmann (1776 – 1822), écrivain et musicien, changeait son troisième prénom de Theodor en Amadeus par amour pour Wolfgang Amadeus Mozart.
Pendant la Guerre de Sept ans, la Prusse orientale était occupée par les russes de 1758 jusqu’à 1762. Le gouverneur russe, le baron Nicholas von Korff, un aristocrate allemand de la Courlande, ne savait même pas le russe. L’administration allemande de Königsberg continuait comme auparavant. C’est à l’impératrice russe Élisabeth qu’Emmanuel Kant écrit une lettre le 14 décembre 1758 pour lui demander d’être nommé professeur de logique et métaphysique à l’université de Königsberg. Frédéric le Grand était si mécontent de la collaboration de ses sujets avec les russes qu’après la guerre il ne mettait plus les pieds à Königsberg.
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Königsberg est tout palpitant d’histoire. Ici s’était réfugié la Cour de Berlin après la défaite d’Iéna en 1806 ; Frédéric-Guillaume III, le roi à l’esprit indécis et à la volonté flottante, y appela le baron vom Stein pour réformer la Prusse ; d’ici, la reine Louise souffla son âme héroique à sa patrie. Le 12 juin 1812, Napoléon passait quelques jours à Königsberg pour ensuite mener la Grande Armée en guerre contre la Russie. Après la catastrophe de celle-ci, le général Yorck von Wartenburg, commandant le contingent prussien de la Grande Armée, de sa propre initiative signa avec les représentants russes (le général Diebitsch, le colonel von Clausewitz et le conte Dohna, qui, en effet, étaient tous des allemands) la « convention de Tauroggen ». Le 8 janvier 1813 il apparut avec son corps d’armée à Königsberg, se proclama gouverneur général de la Prusse orientale et convoqua la diète de la province qui promulgua le 7 février 1813 la loi concernant l’organisation de la « landwehr » (réserve de l’armée territoriale). Le roi Frédéric-Guillaume III n’avait pas le choix ; il devait approuver les actions du général. Le 20 mars 1813 il publia l’appel « À mon peuple », conclut une alliance avec le tsar Alexandre I et déclara la guerre à la France. Commencée à Königsberg, la guerre de Libération ne s’acheva pas avant l’entrée des troupes allemandes et russes à Paris le 31 mars 1814 et la bataille de Waterloo le 18 juin 1815.

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Avant les Prussiens - Après les soviets

La Prusse orientale a aussi donné naissance à des femmes connues. Käthe Kollwitz (1867 – 1945) était peintre et sculpteur d’inclination pacifiste et sociale. La philosophe politique juive Hannah Arendt (1906 – 1975), fille de parents originaires de Königsberg, grandit dans cette ville dès l’âge de trois ans. C’est dans la ville de Kant où elle faisait connaissance avec les idées de celui-ci. Agnes Miegel (1879 – 1964), poète, appelée « mère de la Prusse orientale », était d’un tout autre spectre politique qu’Hannah Arendt, plus à droite et plus populaire. Beaucoup de ses poésies ont été traduites en russe ; les russes qui maintenant habitent la région la vénèrent. La comtesse Marion Doenhoff (1909 – 2002), longtemps éditrice du journal « DIE ZEIT », descendante d’une vieille famille aristocrate prussienne, qui avait grandi au château somptueux de Friedrichstein à une vingtaine de kilomètres de Königsberg, aujourd’hui disparu, a organisé en 1992 la restauration de la statue d’Emmanuel Kant devant le bâtiment de l’université de Königsberg.
Dans les nuits du 26 au 27 et du 29 au 30 août 1944, Königsberg fut détruit par l’aviation britannique (Royal Air Force). Un témoin des bombardements, Michael Wieck, qui alors avait 16 ans, écrit dans son livre Témoignage sur la disparition de Königsberg — un personnage considéré comme « valant Juif » rapporte: « Deux attaques aériennes avec au total plus de 800 bombardiers lourds britanniques anéantirent une fois pour toutes ce qui avait été édifié et élaboré péniblement au cours des siècles. L’ancienne et vénérable ville à la beauté incomparable se changea en une mer de flammes et un champ de ruines. » Plus de cinq mille habitants de Königsberg furent brûlés, 200.000 perdirent leur toits, l’université, le centre-ville médiéval, la cathédrale, le château, des trésors culturels irréparables étaient perdus à jamais.


En 1939, Königsberg avait 380.000 habitants. Quand il devint évident en automne 1944 que l’armée soviétique s’approchait, les autorités nazies interdisaient à tous de fuir. Seulement vers la fin du mois de janvier 1945, lorsque la ville fut déjà encerclée par l’Armée rouge, le Gauleiter Koch permit à la population civile d’abandonner Königsberg ; lui-même s’enfuit le premier. Les Allemands parvinrent à rétablir les communications avec l’avant-port de Pillau, d’où des bateaux de toutes sortes évacuaient des dizaines de milliers de réfugiés, accomplissant de vrais prodiges.




Les restes des troupes allemandes défendirent les ruines de Königsberg contre l’armée soviétique jusqu’à la capitulation sans condition de la ville, le 9 avril 1945. À la conférence de Potsdam, en juillet 1945,  Truman et Churchill se déclarèrent d’accord avec le souhait de Staline d’attribuer à l’Union soviétique Königsberg et le territoire attenant. Sur les 120 000 civils allemands qui, à cette date, se trouvaient encore dans la ville, environ 100 000 moururent d’actes de violence, de faim et de maladie, au cours des trois années suivantes. Les quelques survivants furent déportés en 1948 vers l’Allemagne de l’Ouest.
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Le 3 juin 1946 mourut Michaïl Ivanovitch Kalinine, le président officiel de l’Union Soviétique, en réalité un valet de Staline. Il se trouva que l’on cherchait précisément alors un nom russe pour la capitale de la Prusse orientale, conquise l’année précédente. Un mois plus tard, le 4 juillet 1946, un décret signé par Staline donnait à Königsberg le nom de Kaliningrad, et à la partie de la Prusse orientale sous administration soviétique le nom de « Kaliningradskaïa oblast » [territoire de Kaliningrad]. Depuis 1959, la statue gigantesque de Kalinine se dresse en pied devant la gare centrale de la ville. Mais il n’y a pas que la ville qui porte son nom : c’est aussi le cas de la place sur laquelle se dresse son monument et de la rue qui en part.


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La population allemande de la ville et la région fut remplacée par des citoyens soviétiques venus de tous les coins de l’Union soviétique. Jusqu’en 1991, l’intégralité du territoire fut une zone militaire interdite, à laquelle ni les visiteurs occidentaux ni même les citoyens soviétiques d’autres régions du pays n’avaient accès. Depuis l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, le territoire est une enclave russe entre la Lituanie et la Pologne, deux pays qui sont membres de l’Union européenne depuis 2004. Il forme donc un îlot russe à l’intérieur de l’Union européenne. Par un étrange hasard de l’histoire, la région de Kaliningrad se trouve coupée de la Russie tout comme la Prusse orientale était coupée de l’Allemagne pendant les années de 1919 jusqu’à 1939.

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Ayant expulsé la population allemande, les autorités soviétiques voulaient faire de Kaliningrad une ville-modèle communiste, sans passé. Les ruines des maisons allemandes de la vieille ville furent rasées et remplacées par des bâtiments modernes de style soviétique. Seulement en 1969,  la ruine du château fut faite sauter. Par miracle, le seul édifice intact au centre-ville était le tombeau de Kant annexé au côté nord de la cathédrale, entouré de 13 piliers dont ni un seul n’était détruit. Les communistes considéraient Kant comme « grand-père » de Marx (le « père » étant Hegel). S’il n’y avait pas eu le tombeau de Kant, la ruine de la cathédrale aurait sans doute été déblayée elle aussi. C’est donc Kant qui a sauvé la cathédrale. Depuis 1992, elle est en train d’être reconstruite par un effort en commun des russes et des allemands.

ruines de la cathedrale en 1945

Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991, les russes vivant dans le territoire de Kaliningrad ont commencé à s’intéresser à l’histoire de leur ville et du pays.  Ils n’ont pas peur du passé allemand ; les élèves l’apprennent à l’école. Des photos du vieux Königsberg se trouvent partout. En ce qui concerne le nom de la ville, il semble devenu courant d’user des deux noms. L’acheteur de cartes postales de la cathédrale, de la porte royale ou du monument à la mémoire de Kant y trouve le plus souvent inscrit « Königsberg-Kaliningrad ». Les jeunes appellent la ville « Kenig ».  Les touristes étrangers qui viennent visiter ce territoire, malgré les difficultés de visas et les moyens de transports insuffisants, sont surtout des anciens habitants de la Prusse orientale et leurs descendants. Mais il y a aussi des russes qui viennent de la « grande Russie » pour regarder un bout de l’Allemagne devenu part de la Russie, ayant un caractère tout à fait différent de celle-ci. La nouvelle cathédrale orthodoxe érigée sur la place centrale en 2005 ne réussit pas à faire oublier 700 ans d’histoire allemande. Il y a une rupture profonde dans l’histoire de Königsberg, mais son histoire continue.   
Gerfried Horst
(Texte partiellement basé sur le livre « De Königsberg à Kaliningrad » de Viviane du Castel, Paris 2007)

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Kaliningrad la honte de la Russie soviétique

(konisberg.centerblog.net)
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