EPHEMERIDE MONARCHISTE
Ephéméride du 16 Novembre.
1700 : "Messieurs, voici le roi d'Espagne".
Louis XIV accepte le testament
de Charles II de Habsbourg, mort sans descendance, qui avait offert son
royaume au Duc d'Anjou (ci-dessous, de toutes façons arrière-petit-fils
de Philippe IV) en vue d'éviter la séparation de l'Espagne et de son
Empire.
Le Roi soleil avait longtemps
réfléchi, et beaucoup hésité, car l'acceptation du testament impliquait
une guerre certaine avec la plupart des puissances européennes, emmenées
par l'Angleterre.
Le Duc d'Anjou prendra le nom de Philippe V, fondant la dynastie des Bourbons d'Espagne, dont descend l'actuel Roi Juan Carlos :
Il restera plusieurs mois en France, avant d'entrer en Espagne en 1701 :
Versailles est ainsi le seul palais royal au monde à avoir abrité, et
pendant un temps assez long, deux souverains régnants.
La phrase célèbre "Il n'y a plus de Pyrénées", que Voltaire attribue à Louis XIV, semblerait plutôt avoir été prononcée par l'ambassadeur d'Espagne, Castel dos Rios.
Mais la Guerre de Succession d'Espagne sera longue
(plus de 10 ans) et terrible. Au bord de la défaite, à la suite de
nombreux revers, la France sera finalement sauvée par les victoires du
Maréchal de Villars à Malplaquet, puis à Denain (ci dessous)...La France n'a eu qu'à se louer, plusieurs fois au cours de son histoire, de ce choix heureux de Louis XIV, qui nous assurait la paix du côté du Sud-ouest. Dans son Journal (Tome III, 1927/1935), Bainville y revient une nouvelle fois, à l'occasion par exemple de la note du 10 janvier 1931, consacrée à la mort du Maréchal Joffre (page 120) :
Il y redit que, si Joffre a bien gagné la bataille de La Marne, "...la Troisième République a eu le rare bonheur, qui n'était échu à aucun régime avant elle, d'être affranchie de soucis du côté des Pyrénées.... Notre démocratie a joui sur cette frontière d'un bienfait que lui avait valu Louis XIV, comme elle a joui sur la frontière belge du bienfait de Louis-Philippe..."
( Dans notre Catégorie Lire Jacques Bainville, voir la note XIII : Installer un Bourbon sur le trône d'Espagne : le "bon choix", la décision heureuse de Louis XIV )
1867 : Naissance de Léon Daudet.
Comment mieux l'évoquer qu'en mettant en exergue son extra-ordinaire
amitié avec Charles Maurras, et les raisons profondes de cette
amitié ? C'est Henri Massis qui nous les donne, dans son très
intéressant Maurras et notre temps : cette amitié littéralement exceptionnelle a bien été l'essentiel de sa vie !...:
".....Le tempérament de
Léon Daudet exigeait une entière liberté. C'est parce que l'Action
Française la lui a donnée, cette liberté, que Daudet a pu développer
tous ses dons, toutes les puissances de sa nature. Les richesses, les
infinies curiosités de cet esprit si ample dans ses profondeurs, tout ce
qu'il y avait en lui de vivant et de fort, l'Action Française a su
l'intégrer, s'en accroître.
"Si nous n'avions pas
Daudet, nous serions un journal de professeurs !" disait Maurras.
L'amitié de Léon Daudet et de Charles Maurras avait accompli ce miracle,
et si l'on songe que ces deux personnalités si entières étaient loin de
coïncider en tous points, il y eut là une sorte de merveille ! Rien
jamais ne détendit ces liens; les épreuves ne firent que renforcer leur
amitié en la sublimant...
"Je ne me suis jamais
disputé une seule fois en vingt ans avec Maurras", disait Léon Daudet
avec une fierté où il y avait du bonheur. Et à Saint-Rémy-de-Provence,
sur la tombe de son ami, Maurras nous a livré leur secret : "Notre
amitié, dit-il, avait à sa base un respect profond, le respect de nos
différences de goût, de caractères, le respect de nos raisons d'être où
chacun avait besoin de se complaire et d'aboutir.:
"Quand,
le 21 mars 1908, Maurras et Daudet s'attelèrent ensemble au journal, les
bonnes langues leur donnaient de trois à six mois de cohabitation
possible; elle devait durer plus de trente ans, et la mort seule les
sépara. Leur accord parfait tenait au plus vif de leurs esprits et de
leurs âmes . Au terme du voyage, quand détaché de presque tout, le
regard déjà fixé sur le visage d'un autre monde, Daudet songeait aux
seules choses qui lui importassent encore, il les ramassait toutes en ce
trait suprême : "Ma prière du soir... et ma vie pour Charles Maurras !"
"Il y avait chez
Léon Daudet, sous la spontanéité de ses mouvements, la vivacité de ses
appétits, une aspiration non moins instinctive à l'harmonie, à
l'équilibre, à l'ordre, un désir de perfection humaine qui, chez lui,
prenait sa forme dans l'image qu'il se faisait de l'artiste supérieur,
de l'homme de génie, et Maurras, à ses yeux était de ces hommes là.
Leurs esprits se rejoignaient, en dépit des différences, dans ce quelque
chose d'organisé qui est au fond des grandes constructions de la
logique et de la raison.
"Tout, au reste, chez
Léon Daudet tendait à la synthèse, jusqu'à ce sens du surnaturel si
puissant en lui, et qu'il ne faut pas confondre avec l'illimité. S'il
avait soif d'infini dans la pensée, le précis, le concret le réel,
l'attiraient invinciblement. Oui, ce visionnaire possédait le "sens
synthétique" par excellence. Tous les appoints de la connaissance et de
l'expérience nourrissaient ses visions, mais rien ne lui faisait tant
horreur que le rêve vide, inorganique par essence. L' "universel créé",
c'était sa pâture, à lui Daudet - mais seul l'ordre le divinise qui
permet à la liberté intérieure d'y atteindre et d'étendre son champ.
"Voilà
ce que Maurras lui avait fait redécouvrir, et sa rencontre avait été
pour lui une illumination de tout l'être. "Quel homme !" s'écriait
Daudet au spectacle que, rien qu'en vivant, Maurras lui offrait. Et je
ne sais pas de plus belle définition de Maurras, fils du Stagirite, que
celle où Daudet le nomme : "stratège de l'esprit, battant toutes les
places rétives, avec l'aide de Minerve, et les forçant par les mots".
La devise personnelle de Daudet était : Qui n'a pas lutté n'a pas vécu !
1952 : Mort de Charles Maurras.
( Voir notre Album : Une visite chez Charles Maurras... )
A sa table de travail, dans les locaux de l'Action française
Jean Paulhan a publié un beau texte sur Maurras, que Pierre Boutang évoque et reprend ainsi :).
".....Il est
bon que Paulhan, plus qu'aucun autre, ait contribué à donner un nom à ce
livre, à indiquer l'absence originelle d'écart entre la pensée, la vie
et l'œuvre, chez Maurras; cela précisément par une lettre où il
énumérait trois sortes de reconnaissance « que tout homme de pensée
nourrit aujourd'hui à son égard ».
Nourrit ? Devrait nourrir, et les voici :
« L'extrême
noblesse et pureté de sa vie, sa vertu dans le sens le plus fort du
terme »; ensuite l'affirmation, par « cet écrivain farouche », de « la
place apparemment modeste qu'a l'intelligence dans la société – et qu'à
vouloir diriger le monde, un auteur perd la grande part de sa dignité »;
enfin, et ensemble, « qu'il appartient à cet auteur de connaître la
vérité et de la dire... A partir de quoi ses pouvoirs sont sans
limites".
Jean Paulhan, en 1954
"Au-delà de ces
trois titres à la reconnaissance de tels « hommes de pensée », dont les
deux derniers renvoient au livre décisif pour notre époque, l'Avenir de
l'Intelligence – décisif pour la spéculation de notre siècle – Paulhan
ajoutait un étrange pouvoir, « une sagesse plus grande et plus héroïque,
qui maintient à tous risques celle de nos vérités sociales qui risque
d'être négligée : Charles Maurras n'a cessé de nous rappeler, contre la
mode, contre les puissances d'argent et les facilités de tout ordre (1),
que nous nous trouvions être Français, et que ce n'était qu'à force
d'amour pour elle que nous pouvions rendre la France – admirable, il se
peut; supportable en tout cas.
"Nous lui devons tous d'être meilleurs que nous ne méritons d'être."
(Pierre BOUTANG, "Maurras, la destinée et l’œuvre", PLON, 1984)
Et Léon Daudet, lors
de la réunion d'hommage national à Charles Maurras ( tenue à Paris le 8
juillet 1937, au Vel d'Hiv, après la sortie de prison de Maurras ) a
prononcé le bel hommage suivant :
"...Vous avez
entendu ce soir bien des chefs de partis différents s'associer dans la
reconnaissance que le pays doit à Charles Maurras. Je l'aime
fraternellement, vous le savez; je l'aime fraternellement d'abord pour
les immenses qualités de sensibilité, de finesse qui sont en lui. Et
puis parce que.... il est pour moi le symbole de mon pays. Je crois
fermement, et je vous le dis avec tristesse et sincérité, dépouillé,
croyez-moi, de tout esprit partisan, je crois fermement que la France
dans la situation où elle est ne peut être sauvée des dangers qui la
menacent, et qui sont pires qu'en 1914, que par le fait que Maurras soit
au pouvoir.
"Je ne parle pas,
je vous le répète, en partisan. Ma conviction, puisée dans l'Histoire,
est ce qui fait que je me suis donné à Maurras - et sachez bien que je
ne me suis donné à aucune autre personne vivante que lui , parce que je
me fiche à peu près de tout.....
"Je me fiche de
tout le monde, comme je me fiche de toutes les dignités, comme je me
fiche de tous les honneurs. Je tiens cette indifférence de mon père,
Alphonse Daudet, qui ne voulut jamais être de rien, et comme Alphonse
Daudet je considère ceux qu'on appelle les puissants de l'heure comme
des impuissants de la nuit !
"Je me fiche de
tout, sauf de ma Patrie. Mais lui, Maurras, représente la Patrie, et
c'est pour cela que je me suis donné à lui. Il est un autre grand
citoyen, malheureusement disparu, dont la figure doit être ici évoquée
en ce jour de grande clarté et de grande union française, vous l'avez
déjà nommé, c'est l'irremplaçable Jacques Bainville...."
Parlant de Molière, illustrateur de Plaute et de Térence, son ami La Fontaine lui dédia cet épigraphe : "...Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit / Dont le bel Art réjouissait la France...";
ne peut-on en dire autant de cette Action française qui a réussi le
prodige de faire vivre ensemble, pandant quarante ans, trois
personnalités aussi dissemblables que le bouillant et truculent Daudet,
le placide Bainville, le poète Maurras ? : d'eux aussi, de cette "amitié
d'AF" exceptionnelle, on peut dire, en reprenant La Fontaine, "Leurs trois talents ne formaient qu'un esprit / Dont le bel Art réjouissait la France..."
"Pendant trente
ans, à la même table, j'ai travaillé en face de lui, et j'ai vu se lever
dans son esprit lumineux cette connaissance profonde de l'Histoire de
France qui l'a élevé à un sommet où seul Fustel de Coulanges a atteint.
"Je crois en mon
Pays. En vous voyant ce soir, et en sentant -comme ceux qui ont
l'habitude des grandes réunions- le sentiment puissant qui vous anime,
hommes de France, car lorsque les autres sont petits, vous restez
grands,et c'est bien là une qualité française; en vous voyant, vous,
public "de masses", pour le coup, mais "de masses" non étrangères, et
"de masses" profondément civilisées, je me suis dit que l'heure de la
délivrance était proche.
"L'artisan de cette délivrance il est ici : c'est Maurras.
"Vous êtes bien
fatigués de discours, et je ne veux pas vous en faire un, mais je
mettrai la fin de cette réunion sous la bénédiction d'un homme qui a
formé l'esprit de Maurras, et qui aimait Maurras non seulement comme son
héritier, mais comme son fils, je veux dire de Frédéric Mistral. Les
vers de lui que je vais vous lire, et même vous chanter, ont trait au
fondateur du félibrige, c'est-à-dire de la renaissance du provençal,
mais le dernier a trait à l'oeuvre de mon frère de coeur et de travail
qui est ici à côté de moi, et il en est en quelque sorte la prévision
:
"Sont morts les beaux diseurs
"Sont morts les bâtisseurs,
"Mais le temple est bâti....."
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