lundi 23 janvier 2012

CASA POUND : LA TROISIEME VOIE ITALIENNE (DES POTES A BATSKIN...)














Extrême gauche/Extrême droite. Inventaire de la confusion : La Casa Pound

publié par Yves,

le vendredi 9 septembre 2011

Cet arti­cle de Mouvement com­mu­niste est extrait du n° 36/37 de la revue Ni patrie ni fron­tières "Inventaire de la confu­sion" et de la partie réservée aux mili­tants de la confu­sion.

Présentation

Casa Pound Italia est un groupe fas­ciste (26) apparu offi­ciel­le­ment en 2008. Son nom fait référ­ence à la Casa Pound, un squat romain, dans le quar­tier de l’Esquilin (via Napoleone III), occupé par ledit groupe depuis déc­embre 2003, et dont le nom rend hom­mage au poète fas­ciste et éco­nom­iste amé­ricain Ezra Pound (27).

Cette for­ma­tion est issue de la coa­gu­la­tion depuis 1989, de divers grou­pes. Casa Pound Italia a fait partie du regrou­pe­ment Fiamma Tricolore de 2006 à 2008. Son diri­geant le plus en vue est Gianluca Iannone (28) (né en 1973), musi­cien du groupe Zetazeroalfa.

« Casa Pound hurle :

L’homme a besoin d’être libéré.

Le marché tue l’âme.

La loi du profit balaye tout ce qui bloque sa route

Ouvriers, peu­ples, com­mu­nautés,

Amour, joie, sacri­fice et diver­sité. Détruits (29). »

Un peu d’his­toire

Le groupe se rat­ta­che au cou­rant Terza Posizione mais pas seu­le­ment, car beau­coup d’anciens de cette orga­ni­sa­tion, et non des moin­dres, sont dans « l’aire » de Casa Pound Italia, lui four­nis­sant un cadre théo­rique sou­tenu. Créée en 1977, Terza Posizione succède à Lotta Studentesca fondée en 1976 (30). Lotta Studentesca était issue du MSI (31) ou d’Avanguardia Nazionale (32), par déc­an­tation suc­ces­sive à partir de 1968 et des luttes étudi­antes, et prin­ci­pa­le­ment prés­ente à Rome et dans le sud de l’Italie. Terza Posizione s’ins­pi­rait du fas­cisme ita­lien mais aussi du péron­isme argen­tin (33) , était natio­na­liste, avant-gar­diste et com­pre­nait son combat comme celui de tou­jours entre « le mar­chand et le guer­rier » – ses mili­tants étant, bien sûr, les « guer­riers ».

Voici quel­ques exem­ples de leurs posi­tions et slo­gans :

« Ni Front rouge, ni réaction, lutte pour la troi­sième posi­tion. » « Ni avec les USA, ni avec l’URSS. » « Le peuple doit conquérir l’auto­no­mie, la liberté, l’indép­end­ance. Nous devons refu­ser les schémas. Tous les schémas que le pou­voir nous impose […. Non, plus de droite, du centre, de gauche. Hors des sièges des partis. En dés­ertant leurs ini­tia­ti­ves. Ni bour­geois, ni prolét­aires. Mais hommes. Hommes libres qui, en s’orga­ni­sant et se bat­tant dans les usines, les bureaux, sur les mar­chés, dans les villes, déc­ouvrent un sens nou­veau depuis long­temps perdu. Le sens de l’unité, de la créa­tivité qui fera et qui est déjà en train de faire de ces hommes libres un peuple.

Lorsque les représ­entants du pou­voir actuel auront été isolés et ren­versés, celui-ci se pla­cera lui-même à la tête de son destin. Il don­nera une autre qua­lité à la vie. Il créera une culture propre, pure, authen­ti­que. Il rendra la liberté à notre nation. »

Terza Posizione était vio­lem­ment opposé au MSI qu’il ne considérait pas comme révo­luti­onn­aire depuis sa ten­ta­tive d’atta­que de la faculté des Lettres en mars 1968 (34) . D’ailleurs Adinolfi regrette, aujourd’hui, que les « gau­chis­tes » n’aient pas fait alliance avec eux dans le mou­ve­ment étudiant (35) contre la réaction. Ils avaient d’ailleurs salué l’expul­sion du sta­li­nien Luciano Lama (secrét­aire de la CGIL de 1970 à 1986, et sénateur du PCI), par le « mou­ve­ment », de l’uni­ver­sité de la Sapienza à Rome le 17 février 1977.

Victime de la répr­ession judi­ciaire, en sep­tem­bre 1980, le groupe Terza Posizione dis­pa­raît. La plu­part des mili­tants émigrent en France pour éviter des pour­sui­tes judi­ciai­res ou sont empri­sonnés.

Implantation

Né à Rome, où il reste le groupe le plus impor­tant, Casa Pound est présent dans plu­sieurs villes d’Italie, par­fois de façon spo­ra­di­que (Turin, Milan, etc.) par des col­la­ges, mais aussi de façon ouverte ; la maison occupée devient alors leur siège local.

Casa Pound Italia est prés­ente :

• à Brescia, Bologne, Bolzano, Cuneo, Novare, Vérone, dans le Nord,

• • Pistoia, Prato, Viterbe, La Spezia, Sienne, dans le Centre,

• • Bari, Palerme, Salerne, Frosinone (dans le Latium) Arezzo, Naples, Lecce, au Sud.

• Il est dif­fi­cile d’esti­mer le nombre de mili­tants (moins de 2 000) et de sym­pa­thi­sants (moins de 9 000). Ce qui est sûr c’est qu’elle dis­pose d’un noyau diri­geant extrê­mement formé.

Elle possède une orga­ni­sa­tion étudi­ante : le Blocco Studentesco (dirigé par Francesco Polacchi) fondé en novem­bre 2006. Le pre­mier numéro de la revue épo­nyme a paru en novem­bre 2007. Cette orga­ni­sa­tion a été scindée en deux en 2009, le Blocco Studentesco Scuola (pour les lycées) et le Blocco Studentesco Università pour les uni­ver­sités.

Le Blocco Studentesco a fait élire 120 représ­entants et recueilli 37 000 voix rien qu’à Rome.

Idéologie

Principe

Les pivots de son idéo­logie sont la lutte pour l’aide sociale, ainsi que contre l’usure et la vie chère.

Les mili­tants de la Casa Pound pro­po­sent à la fois une ana­lyse du monde pour hier, aujourd’hui et demain mais aussi une véri­fi­cation pra­ti­que par l’action aujourd’hui. Ils prét­endent ne pas vou­loir faire de la poli­ti­que « poli­ti­cienne », mais rép­ondre aux besoins concrets aujourd’hui, ces besoins allant de la culture aux besoins élém­ent­aires, prin­ci­pa­le­ment le droit au loge­ment dont ils ont fait leur cheval de bataille à tra­vers les occu­pa­tions de mai­sons.

Ils veu­lent éga­lement gagner une légi­timité visi­ble (alors que la droite en Italie se recom­pose) et se mon­trent prag­ma­ti­ques : cette atti­tude leur per­met­tant de se prés­enter aux élections muni­ci­pa­les au sein d’autres listes de droite et d’avoir des conseillers élus dans quel­ques villes (à Prato et Sant’Oreste).

L’emblème de Casa Pound Italia est la tortue (aux bor­du­res tri­co­lo­res rouge, blanc, vert), sym­bole de patience.

Casa Pound nie vou­loir se cons­ti­tuer en parti, et ses mem­bres ne se considèrent pas d’extrême droite : « Pour nous, les étiqu­ettes “de droite” ou “de gauche” sont dépassées et doi­vent être reléguées à l’Histoire. Les défis et les pro­blèmes que prés­ente le troi­sième mil­lén­aire ne sont ni de droite ni de gauche, pas plus que leurs solu­tions. »

La nation

Au-delà de dis­cours ou de pra­ti­ques « moder­nes », Casa Pound Italia est avant tout un groupe natio­na­liste, la nation étant conçue comme une « com­mu­nauté de destin » : « L’idée de la reconquête natio­nale prés­up­pose la com­plète récu­pération de la sou­ve­rai­neté de la part de la com­mu­nauté natio­nale, représentée par un État qui se doit d’être éthique et orga­ni­que, et doit être l’expres­sion et la référ­ence spi­ri­tuelle de la com­mu­nauté elle-même ».

La famille

Elle est la base de la nation. Tout en s’appuyant sur une culture « jeune », Casa Pound Italia veut que la famille retrouve sa vita­lité comme unité de base de la nation, d’où son action en faveur d’un revenu versé aux mères élevant leurs enfants, à tra­vers sa cam­pa­gne « Tempo di essere madri » pour les femmes tra­vailleu­ses. Sans être machis­tes, et tout en culti­vant le culte du guer­rier, si les mili­tan­tes de Casa Pound Italia par­ti­ci­pent aux affron­te­ments, une fois qu’elles sont deve­nues mères elles doi­vent réd­uire leurs acti­vités.

L’indi­vidu, la com­mu­nauté

« Un lâche meurt chaque jour, un héros meurt une seule fois. »

Un de leurs piliers idéo­lo­giques reste le culte du combat, de la confron­ta­tion phy­si­que et de la dis­ci­pline du corps qui, en même temps qu’une appro­che et un anti-confor­misme rebel­les, attire de plus jeunes mili­tants. Plusieurs acti­vités de Casa Pound Italia se concen­trent sur la création d’un uni­vers cultu­rel et moral par­tagé, dans lequel les mili­tants peu­vent inves­tir la tota­lité de leurs vies. L’asso­cia­tion s’oppose donc aux sépa­rations qui frag­men­tent la vie prés­ente des êtres humains.

Le sens de la création d’une com­mu­nauté est abso­lu­ment cen­tral. Cette com­mu­nauté s’iden­ti­fie dans une iden­tité com­mune, fondée sur un style de vie par­tagé, sur un modèle moral, dans une culture natio­nale. En ce sens, Casa Pound Italia essaye acti­ve­ment d’inven­ter des rép­onses com­mu­nau­tai­res pra­ti­ques aux besoins, matériels et moraux, qui ne trou­vent pas de rép­onses ailleurs, comme les besoins de loge­ment, de vie sociale, de sécurité et d’iden­tité col­lec­tive.

Le fas­cisme his­to­ri­que

Les mili­tants de Casa Pound Italia se pro­cla­ment « fas­cis­tes du troi­sième mil­lén­aire », ce qui leur permet de se reven­di­quer du fas­cisme tout en s’affir­mant moder­nes, donc de pren­dre ce qu’ils sou­hai­tent dans le fas­cisme. Casa Pound Italia reprend prin­ci­pa­le­ment le pro­gramme social du fas­cisme (« La Charte du tra­vail ») appli­qué lors de la répub­lique de Salo (1943-1945), tout en fai­sant référ­ence à la gran­deur, à la lutte, et aux réa­li­sations du fas­cisme.

« Notre culture est celle de l’action. D’Annunzio et les Arditi de Fiume comme Mario Carli ou Guido Keller, Marinetti et les futu­ris­tes, Mussolini et ses intui­tions et sa grande huma­nité, sa poli­ti­que au ser­vice de la nation, Pound et sa poésie sublime et sa com­préh­ension de l’éco­nomie ainsi que sa dra­ma­ti­que incarcé­ration… voici quel­ques-unes de nos référ­ences. Ce que nous avons fait et conti­nuons à faire, c’est étudier en pro­fon­deur ces illus­tres pré­déc­esseurs, ces hommes uni­ques qui ont eu avant tous une vision lucide de ce que devrait être un monde plus juste. »

L’Etat

Casa Pound Italia cri­ti­que l’Etat actuel comme un mau­vais Etat cor­rompu et elle aspire à un vrai Etat, celui de la com­mu­nauté. Naturellement anti-mon­dia­liste, l’asso­cia­tion veut que chaque nation jouisse d’un Etat.

L’immi­gra­tion

Casa Pound considère que la mon­dia­li­sa­tion contraint les pau­vres à fuir vers un « sup­posé Eldorado européen ». Cristiano Coccanari (36) expli­quait : « Il en rés­ulte une guerre dra­ma­ti­que entre pau­vres ; celle-ci crée chez les Italiens un chômage qui aug­mente à cause du profit réalisé sans dis­crimi-nation sur le dos des “nou­veaux escla­ves” ». Il concluait : « Nous réc­lamons aussi le blo­cage des flux migra­toi­res qui ont dés­ormais dépassé le seuil de tolér­ance. »

En 2009, au moment de l’inter­ven­tion israéli­enne à Gaza, Casa Pound avançait le slogan « Ni avec le sio­nisme domi­na­teur, ni avec l’obs­cu­ran­tisme reli­gieux. »

Lors des évé­nements de Rosarno (en Calabre), en jan­vier 2010, les ouvriers agri­co­les immi­grés des oran­ge­raies se révoltèrent contre leurs condi­tions et le racisme dont ils étaient vic­ti­mes après la mort de deux d’entre eux, et ils s’affrontèrent ensuite à la police et une partie de la popu­la­tion. Casa Pound Italia y dépêcha des mili­tants qui dis­tri­buèrent des tracts appe­lant « à la déf­ense des habi­tants au nom de l’ita­lia­nité » tout en « dénonçant les patrons exploi­teurs » Vis-à-vis des immi­grés, tout en les ren­dant pas res­pon­sa­bles de leur prés­ence en Italie, Casa Pound Italia ne se pro­pose pas de les intégrer dans la « com­mu­nauté natio­nale » ni bien sûr de les orga­ni­ser.

La lutte des clas­ses

Dans la lignée du fas­cisme social et du cor­po­ra­tisme, l’asso­cia­tion nie la lutte de clas­ses, elle n’y fait jamais référ­ence. Plus exac­te­ment, Casa Pound Italia défend les droits des ouvriers (au sein de la com­mu­nauté natio­nale) et d’abord les droits des Italiens. Elle ne se pré­oc­cupe pas d’inter­ve­nir dans les usines, mais elle apporte son sou­tien aux luttes déf­en­sives des ouvriers comme, par exem­ple, les tra­vailleurs d’Alitalia, en 2008. A cette occa­sion, elle a, dans toute l’Italie, rempli des fon­tai­nes de bou­teilles conte­nant le mes­sage « SOS Naufrage ».

Casa Pound Italia a aussi orga­nisé, en 2010, une action qui visait des cen­tai­nes de conces­sion­nai­res Fiat afin de dén­oncer le trai­te­ment dép­lo­rable que la société impose à ses employés.

Comme beau­coup de grou­pes fas­cis­tes, Casa Pound Italia s’intér­esse à l’ouvrier en tant qu’indi­vidu, aux ouvriers lorsqu’ils souf­frent et rés­istent de façon déf­en­sive, jamais quand ils lut­tent en tant que col­lec­ti­vité. Cela dit, Casa Pound Italia ne s’est jamais opposé à des grèves.

Internationalisme

Nationaliste, Casa Pound Italia veut que tout peuple se cons­ti­tue en nation en s’appuyant sur l’Etat. Elle reprend au tiers-mon­disme la notion de déf­ense des peu­ples opprimés (prin­ci­pa­le­ment le peuple pales­ti­nien mais aussi le peuple karen, etc.) et cer­tai­nes figu­res héroïques de com­bat­tants comme Che Guevara. Casa Pound Italia reprend ainsi à une partie de l’extrême gauche le thème du com­bat­tant « anti-impér­ial­iste ».

Pratique

Axes

Casa Pound Italia orga­nise son acti­vité sur quatre plans :

• la poli­ti­que, • • la culture, • • la soli­da­rité, • • le sport. •

La poli­ti­que

Comme dans d’autres domai­nes, Casa Pound Italia tire parti (ou essaye de pro­fi­ter) du moin­dre évé­nement pour peu qu’elle puisse y impo­ser ses mots d’ordre et ses actions de pré­dil­ection. Elle orga­nise éga­lement des cam­pa­gnes de fond per­ma­nen­tes comme celle du droit au loge­ment, de la lutte contre la vie chère et sur l’immi­gra­tion.

Ainsi l’asso­cia­tion a pendu de nom­breux man­ne­quins dans les rues de Rome afin de dén­oncer le coût exor­bi­tant de la vie et des loyers, le pou­voir des ban­ques et de la mafia de l’indus­trie immo­bi­lière. Casa Pound Italia a inter­rompu une émission de télé­vision qui men­tait (selon elle) à propos des évè­nements de la Piazza Navona (cf. plus loin). Elle a aussi « assas­siné » des man­ne­quins représ­entant le Père Noël devant des ban­ques.

Elle adopte une atti­tude prag­ma­ti­que et ambi­guë notam­ment vis-à-vis des élections loca­les et des liens avec les partis de droite. En effet, der­rière le rejet de la cor­rup­tion et de l’inef­fi­ca­cité de l’Etat, Casa Pound Italia ne répugne pas à passer des accords locaux avec des partis de droite pour se prés­enter aux élections. Elle prétend ainsi pou­voir influer sur les pro­blèmes concrets de la popu­la­tion non seu­le­ment grâce à ses orga­nis­mes de base, mais aussi grâce aux moyens légaux. Tout en s’affir­mant différ­ente, opposée au système, l’asso­cia­tion cher­che aussi à s’atti­rer la bien­veillance de la base des partis de droite.

C’est au sein de la jeu­nesse sco­la­risée que Casa Pound Italia, via son orga­ni­sa­tion Blocco Studentesco, est très active. Elle a par­ti­cipé au mou­ve­ment de grève contre la réf­orme Gelmini (37) en octo­bre 2008.

Lors des mani­fes­ta­tions étudi­antes contre la réf­orme, sur la Piazza Navona à Rome, le Blocco Studentesco par­ti­cipa à la mani­fes­ta­tion der­rière une ban­de­role « Ni rouge, ni noir, seu­le­ment la pensée libre » et tenta de pren­dre la tête du cortège, ce qui pro­vo­qua des affron­te­ments avec les étudiants de gauche. À l’époque, Casa Pound Italia et le Blocco Studentesco se présentèrent dans les médias comme des déf­enseurs de la liberté d’expres­sion et comme des vic­ti­mes.

La culture

C’est cer­tai­ne­ment sur ce ter­rain que Casa Pound Italia a ren­contré ses plus grands succès. Iannone, son diri­geant, est aussi le fon­da­teur et le chan­teur du groupe musi­cal Zetazeroalfa, depuis 1997. Partisan de la théorie du « squa­drisme méd­ia­tique », c’est-à-dire des actions spec­ta­cu­lai­res et éclair visant à dif­fu­ser les idées forces du mou­ve­ment et à impres­sion­ner ses enne­mis poli­ti­ques, il a ainsi développé le cou­rant du « tur­bo­dy­na­misme (38) ». L’asso­cia­tion reprend à son compte dans ses publi­ca­tions et ses affi­ches l’esthé­tique pro­duite par les futu­ris­tes ita­liens des années 1920, alors vitrine esthé­tique du fas­cisme. Place donc aux lignes droi­tes, aux angles, au mou­ve­ment évo­cateur de l’action, de l’énergie et de l’audace, mais aussi à tout ce qui peut se référer à l’héroïsme, présenté comme vertu suprême d’un art de vivre quo­ti­dien.

Ces affi­ches sont dés­ormais mon­naie cou­rante dans cer­tains quar­tiers de Rome et admi­ses par la popu­la­tion. Le terme « fas­ciste » y est nor­ma­lisé grâce à l’effort de pro­pa­gande de Casa Pound Italia. Désireuse d’incar­ner une solu­tion cultu­relle alter­na­tive au confor­misme de la gauche et de la droite bour­geoi­ses, l’asso­cia­tion offre à plu­sieurs artis­tes des espa­ces d’expo­si­tion ainsi qu’une revue artis­ti­que.

Dans sa ligne « d’ouver­ture non confor­miste », elle orga­nise des réunions-débats avec des his­to­riens et des hommes poli­ti­ques qui n’appar­tien­nent pas forcément à la mou­vance fas­ciste (39).

Pour ce qui concerne son acti­vité méd­ia­tique, l’asso­cia­tion uti­lise plu­sieurs outils :

• une radio libre, Bandiera nera,

• • une chaîne de TV, Tortuga TV,

• • une librai­rie à Rome, La testa di ferro via San Martino ai Monti (40) ,

• • un pub Cutty Sark tou­jours à Rome et un salon de tatoua­ges.

• • et un fan­zine, Disturbo 451.

• La soli­da­rité

Dans ce domaine éga­lement, Casa Pound Italia réussit à offrir à ses mili­tants et sym­pa­thi­sants des actions ayant un effet immédiat. L’orga­ni­sa­tion se déploie sur deux ter­rains : l’action cari­ta­tive et l’aide sociale. L’action cari­ta­tive

Lors du trem­ble­ment de terre de l’Aquila (en avril 2009), Casa Pound Italia monta une inter­ven­tion rapide pour aider les sinis­trés, en inter­ve­nant plus rapi­de­ment que les secours offi­ciels.

Elle prétend aussi vou­loir aider les pays afri­cains à dével­opper leur propre capa­cité à se dével­opper.

L’aide sociale

Soucieuse de pal­lier les défici­ences de l’Etat, Casa Pound Italia a créé des noyaux rég­ionaux (au Latium et en Campanie) d’orga­nis­mes de pro­tec­tion civile chargés d’aider les Italiens les plus démunis.

Elle lutte pour obte­nir la pré­fér­ence natio­nale dans le loge­ment avec sa struc­ture Mutuo Sociale.

L’asso­cia­tion a lancé une cam­pa­gne Tempo di essere madri (41) en sou­tien aux femmes (et mères) tra­vailleu­ses débordées entre le tra­vail sala­rié et le tra­vail domes­ti­que (« Pour être mères, pour être tra­vailleu­ses, pour être nous »). Elle fait cam­pa­gne pour l’adop­tion d’une loi, via un référ­endum, auto­ri­sant les femmes à tra­vailler à mi-temps, en étant payées à plein temps. Le sport

En orga­ni­sant des acti­vités spor­ti­ves Casa Pound Italia pour­suit plu­sieurs buts :

• faire en sorte que toutes les acti­vités de ses mili­tants res­tent au sein de l’asso­cia­tion,

• • atti­rer des sym­pa­thi­sants par le biais d’acti­vités non direc­te­ment poli­ti­ques à des prix rai­son­na­bles,

• • lutter contre « les dro­gues et les modèles cultu­rels méd­iocres »,

• • et for­ti­fier les mili­tants par la pra­ti­que d’efforts phy­si­ques.

• Ainsi Casa Pound Italia a créé au plan local :

• à Lecce, un club de foot­ball,

• • à Bolzano, un club de hockey,

• • à Rome, une école et une équipe de rugby (nées lors de l’occu­pa­tion de la Casa d’Italia Colleverde). ainsi qu’une équipe de water polo (42) .

• Et au plan natio­nal :

• un club de boxe,

• • un club de para­chu­tisme : Instinto Rapace,

• • un club de plongée sous-marine : Diavoli di mare,

• • un club de moto : Scudere 7pun­to1,

• • un club d’alpi­nisme et de spél­éo­logie : La Muvra.

Conclusion ?

Casa Pound Italia res­sem­ble beau­coup à d’autres grou­pes fas­cis­tes de par le monde qui se réfèrent au « pro­gramme social du fas­cisme ».

Sa force et son ori­gi­na­lité repo­sent sur sa capa­cité à être visi­ble et uti­li­ser les médias ; sa prise en compte de l’aspect cultu­rel dans la musi­que et l’art, ce qui lui permet de se créer ainsi un milieu de sym­pa­thi­sants larges ; mais sur­tout, sur le fait qu’elle a repris au mou­ve­ment ouvrier auto­nome de 1968-1980, des buts et des moyens d’action comme les occu­pa­tions de mai­sons.

Les axes de son inter­ven­tion (droit au loge­ment, lutte contre la vie chère, etc.) sont concrets et peu­vent ren­contrer l’assen­ti­ment d’une partie de la popu­la­tion ouvrière, prin­ci­pa­le­ment à Rome.

Si Casa Pound Italia rem­porte des succès dans l’occu­pa­tion de l’espace public, elle n’obtient pas, heu­reu­se­ment, les mêmes rés­ultats dans les usines. Cela tient à la fai­blesse de sa cri­ti­que du capi­ta­lisme (limitée à la cri­ti­que de l’usure) et à sa négation de la lutte des clas­ses, négation héritée du fas­cisme mus­so­li­nien.

Sa force en tant qu’orga­ni­sa­tion, Casa Pound Italia la tient de ses ori­gi­nes et de l’exis­tence de cadres ayant reçu une for­ma­tion poli­ti­que com­plète qu’ils vien­nent d’orga­ni­sa­tions du passé (comme ceux de Terza Posizione) ou qu’ils aient été poli­tisés plus réc­emment (comme Iannone) et soient capa­bles d’intégrer habi­le­ment cer­tai­nes pra­ti­ques de l’ancienne extrême gauche.

Le fait que Casa Pound Italia se conç­oive comme une orga­ni­sa­tion « com­plète », grâce aux acti­vités qu’elle pro­pose à ses mili­tants et sym­pa­thi­sants (culture, sport, soli­da­rité) lui permet de leur offrir un milieu où les objec­tifs ont une véri­fi­cation imméd­iate sans pour autant oublier le « pro­gramme maxi­mum ».

Néanmoins, la quan­tité d’acti­vités pro­posées risque d’user cer­tains mem­bres, même si, pour l’ins­tant, on ne cons­tate aucune trace de scis­sions ou d’aban­dons mas­sifs. Hormis sur le ter­rain des luttes auto­no­mes de la classe ouvrière, Casa Pound Italia a donc, mal­heu­reuse-ment, un bel avenir devant elle, même si les affron­te­ments, avec les anti­fas­cis­tes, lors des mani­fes­ta­tions de 2008 mon­trent que l’asso­cia­tion ne dupe pas tout le monde.

Son prag­ma­tisme élec­toral, dans le cadre de la recom­po­si­tion de la droite, l’amè­nera peut-être à s’intégrer davan­tage au jeu poli­ti­que clas­si­que, et à mon­trer qu’elle n’aura servi qu’à drai­ner l’énergie mili­tante des jeunes vers les partis et les poli­ti­ciens tra­di­tion­nels. Mais rien n’est moins sûr.


Notes

25. Le nom offi­ciel est CasaPound Italia, Associazone Culturale e di Promozione Sociale, donc offi­ciel­le­ment ce n’est pas un parti poli­ti­que. Leur site est http://casa­poun­di­ta­lia.org/

26. Eux se qua­li­fient de « droite non conforme ».

27. (1885 1972) Né aux Etats-Unis, mort à Venise.

28. A com­mencé à mili­ter, en 1987, dans l’orga­ni­sa­tion de jeu­nesse du Movimento Sociale Italiano.

29. Leur site est http://casa­poun­di­ta­lia.org/

30. Dont les prin­ci­paux diri­geants étaient Adinolfi (1954-) rentré en Italie en 2000, Dimitri (1956-2006), Fiore et Spedicato (1947-1992).

31. Le MSI fut fondé en 1946 par des fas­cis­tes. Son sym­bole était la flamme tri­co­lore, sym­bole des Arditi (sol­dats sél­ectionnés pour leur cou­rage et qui par­ti­ci­paient à de peti­tes unités d’assaut pen­dant la Première Guerre mon­diale. Après 1918, la majo­rité des Arditi rejoi­gni­rent les fas­cis­tes, une mino­rité for­mant les Arditi del popolo, plus « à gauche »). La majo­rité du MSI est entrée dans Alleanza nazio­nale en 1996 ; la mino­rité a créé le Movimento Sociale Fiamma Tricolore

32. Alleanza nazio­nale fut créée en 1960 et dis­soute en 1976. Cette orga­ni­sa­tion natio­na­liste-révo­luti­onn­aire se réc­lamait du fas­cisme, prônait la néc­essité d’un coup d’Etat en Italie, et sou­te­nait les régimes mili­tai­res d’Amérique latine (Chili, Bolivie, Argentine) avec laquelle son diri­geant, Stefane Delle Chiaie, entre­tint des liens étroits.

33. Et prin­ci­pa­le­ment des Montoneros, frac­tion de gauche du péron­isme, réengagée à partir de 1975 dans la lutte armée.

34. Lors des luttes étudi­antes (qui vont durer de novem­bre 1967 à novem­bre 1968 et embras­ser suc­ces­si­ve­ment pres­que toutes les uni­ver­sités d’Italie), se dér­oule en mars 1968, à Rome, l’occu­pa­tion de la faculté de droit à laquelle les fas­cis­tes (non-mem­bres du MSI) par­ti­ci­pent à côté des « gau­chis­tes ». Pour repren­dre l’ini­tia­tive, le MSI romain emmené par les députés Almirante, Cradonna et Turchi atta­que les étudiants qui font front et les repous­sent. Selon Terza Posizione, c’est cette ten­ta­tive avortée du MSI qui va exclure du mou­ve­ment étudiant les fas­cis­tes hos­ti­les au MSI.

35. Voir le livre de Gabriele Adinolfi Nos belles années de plomb (Editions de l’Aencre, 2004).

36. Directeur de Radio Nera.

37. Du nom de la minis­tre de l’Education, membre de Forza Italia, Mariastella Gelmini. Cette réf­orme, deve­nue loi 169/2008 le 1er octo­bre 2008, consis­tait entre autres à : rem­pla­cer, dans le pri­maire, les 3 maîtres pour 2 clas­ses par un maître unique et sup­pri­mer ainsi 85 000 postes d’ins­ti­tu­teurs vaca­tai­res ; aug­men­ter la durée heb­do­ma­daire d’ensei­gne­ment de 24 à 30 heures mini­mum, etc. Elle fut suivie par la loi 180/2008, le 1er novem­bre 2008, qui concer­nait, cette fois-ci, l’Université. Elle consis­tait, entre autres, à divi­ser les uni­ver­sités en deux caté­gories ; les « mau­vai­ses » n’ayant plus droit au renou­vel­le­ment des ensei­gnants, des cher­cheurs ou des per­son­nels admi­nis­tra­tifs.

38. Une des pre­mières per­for­man­ces de cette école artis­ti­que « alter­na­tive et non confor­miste » consista à pro­je­ter, sur les murs de Rome, d’immen­ses por­traits de l’écrivain fas­ciste français Robert Brasillach (1909-1945) grâce à des rét­rop­roj­ecteurs.

39. Ainsi le 6 février 2009, 500 per­son­nes sont venus assis­ter, à la Casa Pound de Rome, à une confér­ence de Valerio Morucci, à l’occa­sion de la sortie de son livre Patrie galere. Cronache dall’oltre­legge (Patries Prisons. Chroniques d’outre-loi). Morucci, ancien mili­tant et diri­geant romain de Potere Operaio, passé aux Brigades rouges et res­pon­sa­ble de l’enlè­vement d’Aldo Moro, s’était vu inter­dire l’accès de l’Université (où il devait tenir sa prés­en­tation) par les sta­li­niens (les ex du PCI) du Parti Démocrate ; fort intel­li­gem­ment Casa Pound Italia lui pro­posa un « espace de liberté » et Morucci crut malin d’accep­ter leur pro­po­si­tion tout en dénonçant Casa Pound Italia comme des « enne­mis ».

40. La librai­rie pro­pose les œuvres des écrivains réacti­onn­aires, ceux de la révo­lution conser­va­trice alle­mande, mais aussi Codreanu, Nietzsche, Mishima, Drieu la Rochelle, etc. On y trouve éga­lement les « œuvres » poli­ti­ques des nazis et des fas­cis­tes comme Hitler et bien sûr Mussolini.

41. Voir leur site spé­ci­fique : http://www.tem­po­dies­se­re­ma­dri.org/

42. Cette équipe joue en Ligue B du cham­pion­nat ita­lien.

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