mercredi 23 juin 2010

A LIRE IMPERATIVEMENT



Les Yeux grands fermés – L’immigration en France

Un livre de Michèle Tribalat. Editions Denoël (mars 2010) – 222 pages.

Analysé par Pierre Larroux.

Michèle Tribalat est directrice de recherches à l’Institut national d’études démographiques (INED). Elle a déjà publié de nombreuses études et ouvrages parmi lesquels : Faire France : une grande enquête sur les immigrés et leurs enfants (1995) et La République et l’Islam : entre crainte et aveuglement (avec Jeannette Kaltenbach) en 2002.

A en croire la plupart des médias, des politiques, des ONG et des organisations internationales, l’économie et les bons sentiments marcheraient la main dans la main, mais à la lecture de l’ouvrage de Madame Tribalat, nous allons constater que l’impact de l’immigration en France n’est guère étudié et que la répétition du discours sur ses bienfaits tient lieu d’évidence. L’auteur nous met en garde contre le mépris des faits au nom de l’idéologie.

L’a priori idéologique est déterminant dans la manière d’aborder tout ce qui se rapporte à l’immigration en France. Quelle que soit la réalité, il faut vanter les mérites de l’immigration et les sciences sociales, qui se sont laissées enserrées dans cet a priori, ont appris au cours des années 1980 à se démarquer absolument du Front National.

Cet embrigadement des sciences sociales a fait le vide, au détriment d’une pensée raisonnée qui se serait attachée à penser, à partir des faits et de la réalité.

Une politique peut donc se trouver désavouée et impossible à mettre en œuvre, non parce qu’elle ne serait pas adéquate, mais parce qu’elle prêterait le flanc à l’accusation de stigmatiser un groupe.

Des sociologues, Timur Kuran par exemple, ont théorisé les mécanismes par lesquels, même en régime démocratique, l’opinion publique fait obstacle à la libre expression, conduisant les individus à adapter leurs discours à la pression dominante, d’où l’universalité de ce qu’il appelle la « falsification des préférences ».

Le rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) de 2009 qui invitait à lever les barrières mises à l’immigration dans les pays développés a donné un excellent exemple de parti pris.

La lecture du rapport laisse à penser qu’il est le résultat d’un compromis entre différents points de vue alors qu’il reste marqué par une idéologie en faveur d’une politique migratoire très libérale.

En fait, l’emprise morale de l’antiracisme se traduit par la rétention, l’arrangement des faits, l’abstention, sans compter la faible incitation à une connaissance dégagée de tout enjeu idéologique.

En Angleterre, la chambre des Lords a publié en avril 2008 un rapport sur l’impact économique de l’immigration, volumineux et bien documenté. Ce rapport n’a eu aucun écho en France.

De même que le rapport sur le sujet établi par Gilles Saint Paul pour le Conseil d’analyse économique et présenté fin mai 2009 au ministère de l’immigration et qui n’a eu aucune reprise dans la presse.

Une constante traverse cet ouvrage : l’insuffisance de l’appareil statistique français et le manque d’appétence pour la connaissance.

Le dogme d’une vision, forcément positive, de l’immigration pèse sur le débat. Quand la réalité semble en désaccord, on invoque alors la nécessité de regarder la chose à long terme et de l’envisager dans le cadre d’une gouvernance mondiale.

Ce n’est donc pas l’immigration qu’il faut adapter au monde tel qu’il est, mais c’est ce dernier qu’il faut faire évoluer pour que l’immigration produise enfin les effets qu’on attend d’elle.

L’immigration étrangère en France dans les années 1990 et 2000

Dans son ouvrage, Michèle Tribalat n’aborde pas la question de l’immigration irrégulière, inaccessible à une quantification sérieuse en France et elle estime que la France est mal dotée en outils de mesure des flux migratoires. Contrairement à la plupart de ses voisins, elle ne dispose pas de registres de populations qui lui permettraient de compter tous les flux migratoires. C’est au niveau des procédures administratives d’entrée en France des étrangers que se sont greffés des enregistrements, dont le plus prometteur et le plus exhaustif est le fichier historique centralisé de gestion des titres de séjour du ministère de l’intérieur (AGDREF), opérationnel à des fins statistiques depuis 1994.

En ce qui concerne la définition de l’immigrant, des divergences sont apparues entre le HCI (Haut Conseil à l’Intégration), l’OMI (Office des migrations internationales)la DPM (Direction de la population et des migrations), l’OSII (Observatoire Statistique de l’Immigration et de l’Intégration) et l’INED (Institut National d’Etudes Démographiques).

Les premières statistiques issues de l’AGDREF ont semé l’inquiétude parce que les chiffres dépassaient toutes les autres estimations et le seuil psychologique des 200 000 entrées a été atteint en 2002.

Constatant que les Etats de la communauté européenne n’avait pas été capable de faire les efforts nécessaires à l’harmonisation des statistiques migratoires, un règlement européen relatif aux statistiques communautaires sur la migration a été adopté le 11 juillet 2007 et le règlement européen a obligé les Etats à se conformer à la définition des Nations Unies, c’est à dire compter comme immigrants de long terme les personnes amenées à séjourner au moins un an.

Il faut ensuite ajouter que la loi du 20 novembre 2007 a dispensé les étrangers ayant obtenu un visa de long séjour dans un consultât français, d’une démarche en préfecture pour obtenir un titre de séjour.

En bonne logique, le passage en préfecture concernerait donc désormais un renouvellement et non plus la délivrance d’un premier titre de séjour, détruisant en cela l’atout maître de l’AGDREF de faire de la statistique à partir d’un acte concret indispensable.

Une manière de ruser avec les chiffres, y compris à l’intérieur de l’INED, a été de passer par le solde migratoire pour parler de l’immigration étrangère. Le solde migratoire fait la différence entre les entrées et les sorties du territoire, des étrangers comme des Français. Il peut donc être beaucoup plus faible que le nombre d’entrées d’étrangers et c’est donc son grand attrait.

Le fait de mélanger dans le solde migratoire les mouvements d’étrangers et de nationaux fait que l’on peut lui donner toutes les interprétation possibles.

En étudiant les diverses statistiques nationales, on ne peut que constater que l’INSEE n’a en vérité plus aucune boussole pour fixer le solde migratoire, ce que cet organisme reconnaît volontiers.

L’immigration étrangère s’est considérablement accrue depuis 1996. A la veille de la régularisation exceptionnelle de 1997-98, 106 000 étrangers entraient en France dont 60% étaient originaires des pays tiers (hors CEE)

En 2003, leur nombre était passé à 215 000 soit plus du double, du seul fait de l’immigration en provenance de pays tiers, qui représentait alors prés de 80% de l’immigration étrangère en France.

Les flux familiaux y ont pris une place croissante, sauf pendant la phase de régularisation. Leur part représentait 55% en 2007. Le nombre de personnes entrées comme « familles de français » a été multiplié par quatre entre 1996 et 2003.

Quoi qu’il en soit, ce qui a changé fondamentalement, ce n’est pas tant la taille des flux que leur objet. En 1970, le rapport motif travail/motif famille était de 1,7. En 2007, il est de 0,09.L’évolution de ce ratio souligne une transformation radicale de la réalité migratoire.

Une bonne partie de l’immigration étrangère passe désormais par la création ou l’activation de liens familiaux ; ce qui ne veut pas dire que les nouveaux arrivants ne se portent pas sur le marché du travail.

Maintenant, l’obtention d’une autorisation de séjour repose donc beaucoup sur la constitution d’une famille. La vie en couple, surtout s’il y a mariage, permet d’entrer légalement ou de légaliser sa situation en France.

Certes, actuellement, un nouveau régime se dessine qui rouvrirait le marché du travail à l’immigration étrangère afin de combler des pénuries d’emploi et de favoriser la migration qualifiée, mais la crise économique devrait néanmoins freiner cette perspective.

L’immigration familiale dépend d’abord de l’ancienneté des courants migratoires et de l’ampleur de la population des résidants, français ou non, aptes à (et désireux de) conclure une union avec des candidats à l’immigration. En la matière, les stratégies matrimoniales des familles jouent un rôle déterminant.

Pour parler des mariages mixtes, Michèle Tribalat fait remarquer qu’on le présente souvent comme l’aboutissement d’un contact prolongé avec la société française, mais il faut indiquer que 63% des personnes entrées comme conjoints de Français rejoignent en fait une personne d’origine étrangère (c’est à dire qui a au moins un parent immigré)

Ces mariages dits mixtes d’après la nationalité des époux sont en fait, et dans une proportion importante, à l’origine de flux d’immigration de conjoints de Français, tout particulièrement lorsque le mariage a été célébré à l’étranger.

La politique migratoire hors champ démocratique

Depuis plus de trente ans, l’immigration étrangère a été découplée de l’immigration économique. Dans les années 1930, on n’a pas hésité à renvoyer, par wagons entiers, des Polonais jugés en surnombre dans des temps difficiles.

Mais des textes sont intervenus, en particulier la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales signée le 04 novembre 1950. Dans son article 8, on relève que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale.

Dès lors, la France ne pouvait plus, comme par le passé, disposer de sa population étrangère au gré de ses besoins économiques.

Toute une série de textes a renforcé ces droits pour les étrangers et c’est ainsi que les liens familiaux sont donc devenus dès la fin de l’année 1970, comme aux Etats Unis depuis 1965 et dans de nombreux pays européens, le principal vecteur de l’immigration légale.

Alors que l’immigration étrangère des années 1950-1960 venait au secours de l’industrie française, sans grande restriction certes, mais avec un accord tacite de l’Etat qui régularisait sans état d’âme ces nouveaux travailleurs, celle qui est arrivée en France ensuite a été progressivement déconnectée des flux de main d’œuvre.

On a souvent faussement interprété cette nouvelle ère comme celle, bien naturelle, de l’installation des familles auprès des étrangers venus travailler dans les années précédentes, sans voir, qu’en fait, c’était un nouveau régime migratoire qui se mettait en place, dans lequel les flux familiaux allaient s’auto engendrer.

Le seul moyens de freiner les flux familiaux réside dans la restriction de droits, tout en restant dans la légalité nationale et il est clair que la politique migratoire française est forcément très étroite.

Elle l’est un peu plus après la ratification du traité de Lisbonne par tous les Etats, la politique migratoire passant entièrement dans le domaine des codécisions à la majorité du conseil.

La seule prérogative qui reste aux Etats serait de « fixer les volumes d’entrées des ressortissants de pays tiers sur leur territoire dans le but d’y rechercher un emploi salarié ou non salarié », mais cela a des effets limités.

Par ailleurs cette pratique ne donne aucun moyen national de contrôler les entrées réelles, aujourd’hui alimentées par les flux familiaux, lesquels dépendent largement des pratiques matrimoniales des étrangers et des Français d’origine étrangère déjà présents en France.

Le souci est le positionnement de la Commission Européenne, qui a l’initiative des textes de lois et qui est favorable à l’immigration et aux droits des immigrés. Ce fait est dû à ce que ses membres n’étant pas élus par les citoyens européens, n’ont pas à affronter une réélection et donc à s’intéresser au point de vue de leurs électeurs.

On note cependant que certains pays, l’Irlande, le Royaume Uni et le Danemark ont demandé et obtenu dans les traités le bénéfice d’un protocole spécial sur la politique migratoire.

Des mesures restrictives sont apparues dans certains pays européens, comme les tests linguistiques aux Pays Bas, mais l’introduction de ce système en France n’a pas eu le sérieux escompté, puisque c’est la seule assiduité qui suffit à valider le test en dehors des connaissances réelles.

Pour le moment le durcissement des politiques migratoires en Europe a été favorisé par la nécessité de prendre des décisions à l’unanimité des membres du conseil, mais les règles de majorité vont changer et la marge de manœuvre des Etats va se réduire.

Une grande confusion règne dans ce domaine et sans publicité, ni débat autour de l’activité des parlementaires et du Conseil Européen, ces derniers échappent en grande partie au principe de responsabilité.

Il faut aussi ajouter aux pertes de souveraineté consenties dans le processus d’intégration européenne, l’intrusion croissante du pouvoir juridique dans la sphère politique.

Même des pays qui ont veillé à conserver la maîtrise de leur politique migratoire peuvent se voir contraint de réviser leurs pratiques par la Cour européenne des droits de l’homme ou par la Cour européenne de justice, à l’occasion d’effets imprévus des textes européens.

Cette mutation au nom des droits de l’homme surplombant désormais le droit français a donné l’impression d’une impuissance de l’Etat à contrôler les flux migratoires. Cette nouvelle obligation n’a pas fait l’objet d’un débat démocratique et les citoyens français n’y ont pas explicitement consenti.

Des philosophes ont expliqué à quel point les droits de l’homme ont été étendus au-delà du sens qu’ils avaient à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.

En ce qui concerne la France, le pouvoir politique a perdu l’essentiel de la maîtrise de la politique migratoire, à la fois par l’intrusion croissante du contrôle judiciaire, national ou supra national et par la délégation progressive de ses prérogatives à l’échelon européen.

La régulation de immigration échappe donc au principe de responsabilité politique qui veut que les citoyens exercent un contrôle des décisions politiques par l’élection et déterminent par là même le destin de leur pays. Cela se traduit par une perte du lien démocratique dans la formulation des politiques migratoires.

La perte de la maîtrise du pouvoir politique a été rationalisée dans le cadre d’une nouvelle doctrine progressiste que l’on a appelé le « progressisme transnational », censé proposer des solutions au-dessus des Etats nations et dont l’outil serait la « gouvernance globale »

Nombre d’anciens soixante-huitards sont prêts à s’engager pour ce qu’ils perçoivent comme des causes progressistes traversant les frontières nationales, ainsi que des juristes internationaux, des ONG, les Nations Unies et d’autres organismes internationaux.

Les textes promouvant le progressisme transnational sont nombreux et l’Union Européenne est un cadre propice pour cela. Les défenseurs des droits de l’homme et ceux d’une conception libérale se rejoignent pour souhaiter une libre circulation des hommes, alignée sur celle des marchandises et des capitaux.

Ces partisans de la liberté de mouvement cherchent à remplacer ce qu’ils appellent «l’illusion du contrôle » par la « gestion des flux » et dénient toute légitimité à la persistance culturelle des nations.

Une étude française récente, commandée par le ministère des Affaires étrangères et européennes, s’est située résolument dans cette perspective progressiste transnationale et a fait l’objet d’un rapport publié en 2008 « Pour une autre regard sur les migrations. Construire une gouvernance mondiale ». Elle illustre très bien la nouvelle idéologie progressiste transnationale.

On nous propose en fait, d’échanger un système démocratique cadré par les Etats –Nations et les relations internationales, certes imparfait, contre l’utopie d’une gouvernance mondiale, émancipée du principe démocratique.

C’est la fin de la démocratie telle que nous la connaissons, qui suppose que les élus défendent les intérêts des citoyens et que si tel n’est pas le cas, ces derniers peuvent, par leur vote, sanctionner ceux qui ont pris des décisions contraires à leurs intérêts et choisir d’autres représentants.

Or trop souvent, dans le débat sur la migration, on convoque ou récuse les intérêts, selon qu’ils vont dans le sens ou non du nouveau progressisme transnational.

La dépendance démographique

L’avenir démographique de l’Europe est peu engageant : vieillissement lié au baby-boom de l’après guerre et vieillissement lié à l’allongement de la vie, sur un fond de faible natalité.

L’immigration apparaît donc comme la variable privilégiée pour contrecarrer ce destin grisonnant. Remettre le salut de l’Europe communautaire dans « les bras » des immigrants est d’autant plus tentant que, ce faisant, l’on trouve une justification toute faite à l’impuissance (ou au manque de volonté) à réguler les flux migratoires.

L’attention a été attirée par une étude des Nations Unies parue en 2000. Elle s’interrogeait sur l’immigration nette (les entrées moins les sorties) nécessaire pour maintenir trois indicateurs :

La population

La population d’âge actif (15-64 ans)

Le ratio rapportant la population d’âge actif au 65 ans et plus.

Il s’agissait là d’un pur exercice théorique

En fait, c’est le troisième terme, le ratio qui pose problème. Les déséquilibres de la pyramide des âges sont tels que l’immigration nécessaire pour les transformer notablement serait finalement insupportable dans les pays d’accueil et ne trouverait pas de vivier suffisant dans les autres pays du monde.

Le désir de combler les déséquilibre de structure par l’âge conduit à leur reproduction et perpétue la tentation des mêmes remèdes absolument irréalisables. En fait, l’étude des Nations Unies avait pour objet de dissuader les gouvernements de s’illusionner sur une telle perspective.

L’auteur a estimé l’apport démographique de l’immigration étrangère en France métropolitaine. L’absence de migration a bien évidemment pour effet de tendre à vieillir la pyramide des âges et à diminuer la population.

Si la population diminue en raison d’une baisse de la natalité, ce peut être inquiétant pour la taille de la population active dans les décennies qui suivent et les effets de vieillissement.

Si elle diminue en raison d’une mortalité naturelle touchant les grands âges, elle allège la charge des inactifs qui pèse sur les actifs et soulage ainsi les comptes publics.

En soi, une diminution de la population n’est pas forcément alarmante et prôner une croissance continue de la population n’est pas un impératif, sauf pour des pays dont la densité est particulièrement faible ou au motif de la puissance.

Certains n ‘hésitent pourtant pas à utiliser l’argument de la croissance démographique pour donner un caractère incontournable à une politique migratoire très libérale.

Encore faut-il traduire l’immigration étrangère en termes d’emploi. Ce sont en effet les taux d’emploi des migrants qui déterminent l’efficacité économique du flux migratoire. Si les taux d’emploi des immigrés sont inférieurs à ceux des natifs, il ne faut pas compter sur elle pour améliorer les taux d’emploi français, et satisfaire ainsi les objectifs de Lisbonne qui préconisent un taux d’emploi moyen de 70% pour les hommes et de 60% pour les femmes en 2010.

L’amélioration des taux d’emploi réside pour l’auteure, non pas dans un recours massif à l’immigration étrangère, mais dans des réformes profondes à même de résorber le chômage, de maintenir sur le marché du travail des personnes qui en sortent trop tôt ou d’en faire venir d’autres qui ont du mal a y entrer.

Dans les simulations, les hypothèses retenues ne tiennent généralement pas compte des taux d’emploi spécifiques des immigrés eux-mêmes, qui sont dans certains pays d’Europe, en France en particulier, inférieurs à ceux des natifs.

Les données du recensement de 2006 indiquent une disparité des taux d’emploi aux âges de forte activité très importante : Entre 25 et 54 ans, le taux d’emploi des hommes immigrés est très inférieur à celui des natifs, (75% contre 88%). Enfin, ce taux d’emploi moyen des immigrés fait la balance entre certaines populations immigrées très bien insérées sur le marché du travail, qui ne seront pas à l’origine des flux d’immigration futurs (le Portugal par exemple) et d’autres qui le sont beaucoup moins et qui proviennent de régions du monde qui continueront d’apporter des immigrants en France.

Des études citées par Michèle Tribalat, il ressort qu’une politique qui viserait à augmenter la qualification technique des immigrants aurait un effet bénéfique sur les finances publiques. C’est plus la qualification que la quantité d’immigrant qui serait susceptible d’alléger les ajustements budgétaires rendus nécessaires par le vieillissement. En l’état, compte tenu des caractéristiques des immigrés en 1999, leur contribution est plutôt négative.

De toute façon, avec ou sans immigrant, nous ne couperons pas aux ajustements dont le pays a besoin. Le gain fiscal lié à l’immigration est d’autant plus important que les immigrants sont qualifiés et qu’ils gagnent le pays d’accueil à un âge actif, mais ces effets sont de très faible ampleur.

La conclusion peut-être la plus importante et sur laquelle la plupart des analystes sont d’accord est que l’effet global d’un changement de volume de l’immigration sur les finances publiques ne devrait pas être un enjeu politique majeur.

Sur une autre étude relevée par l’auteure, une politique migratoire visant à limiter les effets néfastes du vieillissement démographique abouti à des résultats relativement modérés. Une politique en faveur d’immigrants qualifiés permet d’améliorer à court et moyens termes ces gains, dans des proportions qui restent très faibles et de toute façon temporaire.

Une unicité de résultat ressort de l’ensemble des études réalisées dans différents pays, l’immigration n’apparaît pas en mesure de contrer le vieillissement démographique et en conséquence le refrain sur la nécessité de l’immigration pour payer nos retraites devrait avoir un peu moins de succès.

L’impact économique de l’immigration

Selon certaines ONG, Cimade et Gisti (Groupe d’information et de soutien aux immigrés), la politique migratoire ne saurait changer que dans un sens, celui de l’histoire et donc dans le sens d’une plus grande ouverture.

Complètement délivrée du réel, ces organisations ne voient aucun inconvénient à marier la liberté de circulation et la protection sociale accrue, contrairement à Milton Friedman pour qui il n’est pas possible d’avoir une immigration libre et un welfare state.

La défense de la libre circulation des personnes est également menée par les libéraux intégraux d’un point de vue économique. Pour le sociologue Frank Düvell, toute restriction, traitement inégal ou exclusion ne peuvent être qu’interprétés que comme une forme de tyrannie exercée par les privilégiés à l’intérieur d’un système sur les désavantagés qui se trouvent au dehors.

Pou connaître l’impact économique de l’immigration, il faut aller chercher des études étrangères car les études empiriques françaises sont rarissimes. Une étude menée par le parlement britannique a contesté la présentation des faits par le gouvernement qui assurait le caractère irremplaçable de l’immigration dans l’économie du Royaume Uni.

Les Lords ont conclu que d’après les informations existantes, l’immigration aurait un très faible impact sur le PIB par habitant et cette conclusion est conforme aux résultats trouvés dans d’autres pays, notamment aux Etats Unis.

En France, selon un rapport du Centre d’analyse économique. Les experts sont d’accord avec les lords anglais pour faire du PIB par habitant, l’outil d’évaluation de l’accroissement de la richesse dû à l’immigration. Le rapport constate que l’ajustement du marché du travail suite à l’apport de l‘immigration peut entrainer du chômage et que le gain net peut alors être mangé par les indemnités de chômage et se transformer en perte nette.

Aux Etats Unis, où l’immigration a représenté 11% de l’accroissement de la force de travail des années 1980-2000 et où l’apport de l’immigration a été plus fort dans la main d’œuvre peu qualifiée, l’effet négatif sur les salaires a été relevé sur le court terme, mais subsisterait à plus long terme pour cette catégorie de travailleurs.

En fait, il y a aux USA une querelle scientifique entre experts américains pour savoir si l’immigration a un effet négatif sur les salaires ou non.

Une étude, menée en France, sur les pays de l’OCDE conclu que l’immigration n’est pas, en elle-même un problème pour le chômage des natifs. Les auteurs prônent donc une meilleure adaptabilité du marché du travail, c’est à dire une plus grande flexibilité des salaires afin de limiter l’impact des « chocs migratoires ».

Aux Etats Unis, l’accroissement de l’immigration de travailleurs faiblement qualifiés aurait été ainsi l’un des facteurs expliquant la stagnation du salaire réel des travailleurs peu qualifiés au cours des vingt dernières années , tandis que le revenu des travailleurs hautement qualifié a, au contraire, augmenté.

Des experts américains mettent en garde contre une transposition temporelle qui continuerait d’attribuer à l’immigration des vertus constatées à une autre époque. L’économie et la société américaine ne sont pas ce qu’elles étaient il y a cent ans. Les besoins en main d’œuvre non qualifiée ne sont pas aujourd’hui ce qu’ils étaient avant la Première Guerre Mondiale.

En fait, déclarent certains experts, ce n’est pas parce que l’admission d’immigrants peu qualifiés il y a cent ans a profité aux Etats Unis que le même type d’immigration lui profitera aujourd’hui.

Michèle Tribalat accorde peu de crédit à l’argument selon lequel les immigrants sont indispensables à notre économie car ils réduisent les pénuries d’emploi, y compris dans les domaines exigeants peu de qualifications, dans lesquels les immigrés exerceraient les travaux que les natifs ne veulent plus faire.

Par exemple dans les années 2000, au Royaume Uni, l’afflux très important d’immigrants n’a pas réduit le nombre d’emplois souffrant de pénuries. Les pénuries sont, dans une certaine mesure, le signe d’un marché du travail et d’une économie sains. Elles ne peuvent être une bonne raison pour encourager une immigration de travail à grande échelle.

Pour la chambre des Lords au Royaume Uni, la crainte est que ne se développe une demande spécifique des employeurs pour des immigrants dont les exigences sont faibles en matière de salaire et de conditions de travail.

D’autres experts s’interrogent sur le niveau de salaire à partir duquel les natifs refusent de faire ces travaux.

Pour Georges J. Borjas, un expert américain, le débat ne porte pas sur le fait de savoir si le pays se porte mieux. Le gain net semble être beaucoup plus faible. Le débat porte en réalité sur le fait que certains y gagnent considérablement, quand d’autres y perdent.

Dans le spectre des intérêts possibles, il faut inclure les associations subventionnées par l’Etat qui interviennent auprès des populations immigrées. Leur noble action ne constitue pas, en soi, une légitimation de leur point de vue.

Il n’existe pas de réponse standard à la question de l’effet de l’immigration en général. Tout dépend de l’économie dans laquelle elle s’insère et des caractéristiques des immigrants. L’immigration très qualifiée aura plutôt tendance à réduire les inégalités de revenus quand l’immigration peu qualifiée les accroîtra.

L’immigration, les territoires et les voisinages

Si le bénéfice économique tiré de l’immigration apparaît bien faible et probablement pénalisant pour les moins dotés en qualifications. Celle-ci a des effets bien visibles localement.

Cependant, le savoir sur l’impact de l’immigration sur le peuplement des territoires n’est pas très avancé, ni même peut-être souhaité.

Si la France n’a pas mis en œuvre un enregistrement systématique des informations qui permettraient de mesurer les concentrations locales de populations d’origine étrangère, et pas seulement immigrées, c’est parce que cette information n’a pas été jugée indispensable, ni, peut-être souhaitable.

En fait, ce n’est pas le souci de connaissance qui a permis d’apaiser un peu les esprits sur des pratiques statistiques controversées, mais la perspective d’accomplir une bonne action : construire des données utiles à la lutte contre les discriminations.

C’est la CNIL qui prétend donc aujourd’hui garantir la liberté des personnes, mais aussi le sérieux scientifique des recherches entreprises à partir de ces données, dites sensibles, après qu’elles ont été collectées. Pourtant la recherche ne peut pas fonctionner par application extensive du principe de précaution, ce n’est qu’une fois les recherches accomplies, et non en les empêchant, que leur valeur peut être appréciée. Le débat scientifique n’est pas du ressort de la CNIL.

Ces prétentions au contrôle sont d’autant plus mal venues que la loi du 06 août 2004, qui a rendu la loi Informatique et Liberté de 1978 conforme à la directive européenne 95/46 (1995), a redonné un peu de liberté à la statistique publique. L’Insee et les services statistiques des ministères sont déclarés désormais d’intérêt public et échappent désormais à l’interdiction de « collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses »

Le phénomène le plus marquant en France depuis la fin des années 1960, est l’importance prise par l’Ile de France dans l’accueil des populations d’origine étrangère. Sans l’Ile de France, la proportion de jeunes d’origine étrangère se serait maintenue autour de 13 à 14 % dès le début des années 1980. L’essentiel de l’évolution tient donc à la croissance observée en Ile de France, où la proportion est passée de 16 à 37% de 1968 à 2005.

On constate que l’évolution modérée de la proportion de jeunes d’origine étrangère au niveau national cache des évolutions territoriales importantes, avec une congestion de l’Ile de France et une avancée vers l’Ouest très spectaculaire.

On relève une préférence accrue des familles d’origine française pour les petites villes et une « préférence » immigrée pour les villes plus importantes.

Parmi les vingt communes où la concentration dépasse 60% en 2005, toutes sauf une, Vaulx en Velin, sont situées en Ile de France. Dans ces villes, trois quarts de la jeunesse est d’origine étrangère. De plus, ces concentrations ethniques sont favorisées par un évitement des lieux par les natifs.

La mixité sociale, qui englobe souvent la question de la mixité ethnique, est un objectif récurrent des politiques, et pas seulement en France. S’y mêle souvent une nostalgie pour une époque révolue où cette mixité aurait été bien plus grande qu’aujourd’hui, notamment dans les ensembles construits dans les années 1960-70.

Les politiques peuvent toujours s’entêter à poursuivre sans grand succès, leur idéal de mixité sociale, laquelle n’a pourtant jamais vraiment existé, en s’imaginant que c’est ainsi qu’ils résoudront les problèmes intriqués de ségrégation ethnique et sociale.

C’est en fait la seule addition de calculs individuels rationnels qui contribue aux effets ségrégationnistes et non des sentiments xénophobes ou la discrimination, même si ceux –ci peuvent entrer en ligne de compte.

Une étude américaine a montré que plus de la moitié du degré de ségrégation dans l’habitat pouvait être attribué aux préférences des Noirs de vivre avec des Noirs et aux préférence des Blancs de vivre avec des Blancs.

En France, les études de ce type sont rares, car le seul fait de s’intéresser aux concentrations ethniques ou plus généralement aux origines est, en soi, suspect.

La traque des pensées raciste et les sondages de la CNCDH :

La CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) est le relai national de la Commission des droits de l’homme des nations unies. En 1989, elle a dépendu directement du Premier ministre et bénéficié de la faculté d’autosaisine.

De moins en moins saisie par le gouvernement, c’est cette autosaisine qui justifie en grande partie aujourd’hui ses travaux.

Le vote, en juillet 1990, de la loi Gayssot réprimant le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie, a été l’occasion, pour la commission, de se voir attribuer la rédaction d’un rapport annuel sur le sujet. C’est dans le cadre de ce rapport qu’ont été ensuite menés les sondages sur le racisme réalisés presque chaque année.

La commission comprend 64 membres au total dont une trentaine de représentants d’ONG et une trentaine de personnalités qualifiées.

L’auteure s’est attachée à étudier le rapport annuel sur le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie et tout particulièrement du sondage annuel réalisé par un institut de sondage privé, le CSA depuis 2005.

L’auteure constate, au vu des réactions de la Commission, que l’idée que toute appréciation négative d’un fait se rapportant à l’immigration est forcément erronée et révélatrice de sentiments mauvais qu’il suffirait de dénoncer

Cette interprétation est d’un simplisme effrayant, qui ne laisse pas place au réel. Dans ses sondages, la CNCDH a réglé la question du rapport au réel en le congédiant purement et simplement.

Dans la mesure où elle ne pose que des questions auxquelles les réponses ne sont connues de personne, l’appréciation des réponses ne peut-être que d’ordre moral.

Le défaut principal du sondage est qu’il est censé s’adresser à tout le monde, les victimes potentielles du racisme comprises, mais qu’il s’adresse surtout aux racistes potentiels.

Qu’attend on alors du raciste avoué à qui l’on demande s’il estime nécessaire une lutte « vigoureuse » contre le racisme ? Dans ce sondage, le mélange entre opinion sur des impressions et non sur des faits, d’une part et imprécision des termes, d’autre part est catastrophique.

Les réponses aux questions du sondage sont censées mesurer un sentiment de manque d’ouverture de certains « groupes » qui ne dit rien de la réalité, mais cherche en fait a mettre en exergue les mauvaises pensées des enquêtés. Le réel n’a aucune importance, c’est le positionnement en soi qui compte.

Le questionnaire de la CNCDH révèle l’état d’esprit des sondeurs plus encore que celui des sondés. C ‘est une manière détournée de désapprouver tout sentiment d’inquiétude vis-à-vis de l’immigration. Le sondé, s’il veut faire bonne figure, doit donc décoder le sens caché des questions et deviner quelle réponse est correcte et moralement recevable et apprendre en conséquence à mentir. On chercherait à détruire tout sens moral et tout sens de la réalité qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Enfin, l’acharnement mis à traquer les pensées racistes, xénophobes ou ethnocentristes joue aussi le rôle de caisse de résonance, maintenant le racisme au cœur de l’actualité, ce qui joue en faveur de l’activité des ONG subventionnées, qui participent aux travaux de la commission.

Conclusion :

Le principe selon lequel ce que le peuple ne connaît pas, il ne peut en faire un mauvais usage est dévastateur. Il entretient la méfiance à l’égard de la statistique, cultive une ignorance, même de l’arrogance chez les élites et intoxique le pouvoir politique. Ce dernier ne connaît pas lui-même la réalité, ce qui est un obstacle majeur à l’action publique

Il a une mauvaise connaissance des flux migratoires et du solde migratoire qui, tel qu’estimé par l’Insee, est une pure fiction

Les études d’impact de l’immigration sont rarissimes en France et, quand elles existent restent inconnues ou ignorées, souvent même par les décideurs.

Cette méfiance à l’égard de la connaissance est partagée par les médias. On y préfère souvent le conte de fée, selon lequel l’immigration est un bienfait en soi, aux faits tels qu’ils sont, quand les statistiques existent

Ces falsifications peuvent rendre les politiques aveugles sur les glissements d’opinions qui s’opèrent dans la société. En croyant que le mécontentement se concentre aux marges, ils ne voient pas son émergence au centre des démocraties libérales, comme cela se produit aux Pays Bas.

Les utopistes promouvant l’immigration ne sont guère pressés de voir des études sérieuses sur le sujet et quand elles existent, ils préfèrent faire silence. C’est ce qui est arrivé au rapport de Gilles Saint Paul en mai 2009, qui n’a eu aucun écho dans la presse.

Les médias avaient pourtant là l’occasion de fustiger la politique migratoire de Nicolas Sarkozy et ils ne l’ont pas fait parce que ce rapport remettait aussi en cause le postulat des besoins économiques en travailleurs immigrés et la gestion étatique de ces soi-disants besoins, qui aggrave la segmentation du marché du travail, au profit des salariés protégés.

Les arguments, bien pratiques, sur le caractère indispensable de l’immigration étrangère pour faire pièce au vieillissement , payer nos retraites, occuper les emplois dont nous ne voulons pas et apporter une contribution irremplaçable aux économies occidentales ne tiennent pas la route et ne sont d’ailleurs guère avares de contradictions.

L’auteure termine en signalant que si l’on peut souhaiter une immigration qualifiée, cela n’est guère supportable pour les pays en développement, qui de toute façon n’y suffirait pas, d’autant plus que les pays européens ne sont pas les plus attrayants et que nous devrions plutôt nous inquiéter des départs de nos nationaux qualifiés vers d’autres cieux, ceux des Etats Unis par exemple.

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