vendredi 29 juin 2012

L’élection de Morsi en Égypte : le « jour du Jugement dernier » pour les Coptes ?

« Pour la grande majorité des Coptes, c’est le jour du Jugement dernier » confiait à Reuters Joe Farim, un Copte du Caire, après l’annonce de la victoire de Mohammed Morsi, le candidat du parti des Frères Musulmans.

 Une victoire toute relative du simple point de vue de l’arithmétique électorale. En premier lieu, le taux de participation au second tout de l’élection présidentielle, est faible : 51,8 % du collège électoral. À peine plus de la moitié des quelque 50 millions des électeurs inscrits. Cela en dit beaucoup sur le peu d’intérêt d’une quasi moitié de l’électorat égyptien de participer à un choix entre la peste et le choléra. En deuxième lieu, la victoire de Morsi sur son adversaire Ahmed Shafiq, est tout sauf éclatante ou spectaculaire. Les chiffres annoncés – mais sont-ils véridiques ? 
 – ne donnent que 872 751 voix d’avance de Morsi sur Shafiq pour 25 millions de suffrages exprimés… Ce n’est pas un raz de marée des Frères Musulmans.

 Pour l’heure, la marge de manœuvre du nouveau Président semble bien réduite. Le coup d’État à froid de la junte militaire a aboli l’Assemblée nationale, la commission constituante, et l’on me dit que le Président ne pourra pas même former de gouvernement de sa propre autorité. L’Iran islamiste et le Hamas de Gaza sont, bien sûr, enchantés des résultats. L’un et l’autre ne reconnaissent pas l’État d’Israël et on lit que Morsi aurait l’intention de dénoncer le traité de paix entre l’Égypte et Israël. Cela ne se fera pas sans l’aval de la junte militaire et je ne l’imagine pas, pour l’heure, renoncer à l’aide militaire américaine de 1,3 milliard de $ : je ne vois pas l’Iran, et encore moins l’Arabie Saoudite, servir de crédit relai…

L’Égypte se retrouve donc dans une situation de blocage institutionnel, verrouillée par la junte militaire. Mais jusqu’à quand ? Imagine-t-on que les Forces armées soient immunisées contre les Frères Musulmans ? Mais à quel groupe appartenaient les soldats qui assassinèrent Anouar el-Sadate en 1981 ? À l’organisation du Jihad islamique égyptien, fondée par d’anciens membres des Frères Musulmans

Les sentiments antichrétiens de Morsi, même s’ils ont été plus ou moins dissimulés pendant la campagne électorale, ne font aucun doute car ils font partie de la doctrine des Frères Musulmans, jamais répudiée. Dans Al-da’wa (L’Appel), l’organe des Frères Musulmans, on pouvait lire en décembre 1980 sous la plume de Sheikh Muhammad Abdullah al-Khatib, un doctrinaire de premier plan de l’organisation, les mesures qu’il conviendrait de prendre contre les chrétiens quand le pouvoir serait conquis : destructions de toutes les églises chrétiennes, interdiction d’enterrer les chrétiens “impurs” à proximité de tombes musulmanes, etc.

On peut comprendre l’inquiétude des Coptes avec un tel “Président” ! Cette inquiétude s’exprime universellement chez les Coptes. « À titre personnel, je ne reconnais pas Morsi comme Président. L’Égypte mérite mieux » a déclaré Wagih Yacoub, un militant Copte des droits de l’homme. « Je ne reconnaîtrai jamais ce groupe terroriste et sanguinaire : les Frères Musulmans. Les chrétiens ont peur, ils sont préoccupés… La nuit dernière [celle du résultat de l’élection présidentielle] les gens chantaient : “Nous avons un État islamique, Morsi est le Président !” Les gens qui soutiennent Morsi ont voté pour une religion, pas pour un Président. Ils ont voté pour l’islam ».

Aidan Clay, directeur régional pour le Moyen-Orient de l’organisation International Christian Concern a fait la synthèse de la situation : « Beaucoup de chrétiens en Égypte étaient convaincus que Ahmed Shafiq était leur dernier espoir de vivre en paix. La campagne présidentielle menée par les Frères Musulmans a exigé une transition immédiate vers un État où s’applique la sharia et s’instaure un califat, ce qui ne laisse aucune place aux chrétiens dans la société égyptienne. Avec l’élection de Mohammed Morsi, les chrétiens se tournent désormais vers le Conseil militaire – qui refuse de passer le pouvoir aux islamistes – pour leur protection. Sans le décret de dissolution du Parlement, le 14 juin, les Frères Musulmans contrôleraient à la fois le Parlement et la Présidence, ce qui aurait sans doute mené à une augmentation de la persécution des chrétiens et à leur exode massif. Aujourd’hui, les chrétiens et tous les Égyptiens se demandent quel sera le rôle du Président. Morsi sera-t-il privé par les militaires de toutes ses prérogatives présidentielles, en en faisant une potiche ? Ou bien les Frères Musulmans et les autres groupes islamistes vont-ils se lancer dans une campagne de résistance armée jusqu’à ce que les militaires cèdent la place ? La réponse à ces questions déterminera inévitablement le destin de l’antique communauté chrétienne de l’Égypte ».

Pour les Coptes, les temps présents sont ceux d’un danger majeur et proche. 

La “communauté internationale” est désormais alertée. Nous ne nous contenterons pas d’en observer passivement les déclarations – si déclaration il y a…

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