TECHNOLOGIE : Comment diriger des soldats dans le noir ? Des chercheurs américains ont conçu un équipement qui indique, en vibrant, la direction à prendre.
L’armée américaine est en train de tester un système de navigation qui permettra aux soldats de “sentir” leur chemin, même dans la confusion d’un champ de bataille. Le principe : une ceinture transmet des informations à celui qui la porte sous forme de vibrations codées. Ces informations proviennent d’un gant spécial avec lequel on effectue des signaux de la main.
Les soldats ont parfois beaucoup de mal à se diriger, en particulier de nuit, explique Elmar Schmeisser, qui dirige les travaux sur cette ceinture au Bureau de recherche de l’armée de terre de Caroline du Nord, aux Etats-Unis. Le GPS n’est pas l’idéal car, pour s’en servir, les soldats doivent quitter leur environnement des yeux et ranger leur arme. De plus, la lumière de l’écran risque de révéler leur position dans l’obscurité.
Schmeisser a donc passé ces dernières années à travailler avec diverses sociétés et organismes de recherche pour trouver une autre solution. Son équipe a mis au point une série de minimoteurs électriques vibrants, des vibreurs en quelque sorte, et les a testés selon diverses configurations. “La meilleure solution est d’utiliser huit vibreurs correspondant aux huit points cardinaux, le tout fixé à une ceinture passée autour du torse”, confie Linda Elliott, une psychologue qui a testé le système sur des soldats pendant des exercices au Laboratoire de recherche de l’armée de terre de Fort Benning, en Géorgie, aux Etats-Unis. La fréquence des vibreurs est de 250 hertz, ce qui suffit pour produire une vibration légère mais perceptible. Généré à intervalles réguliers, le signal indique la direction que le soldat doit suivre pour atteindre le point de cheminement suivant.
La ceinture est connectée à un GPS ordinaire, à un accéléromètre [capteur qui mesure le mouvement] et à une boussole numérique. Le système sait dans quelle direction le soldat est orienté même s’il est allongé. “Tant qu’on va dans la bonne direction, la ceinture vibre à l’avant”, explique Linda Elliott. Elle a présenté ce système à la conférence Human-Computer Interaction, qui s’est tenue en juillet dernier à Orlando, en Floride. “Quand on s’approche à moins de 50 mètres du point de cheminement, les vibreurs sont tous activés et, à moins de 15 mètres, la vibration s’accélère.”
Les vibreurs peuvent en outre communiquer des ordres comme “halte” – les vibreurs frontaux, dorsaux et latéraux sont tous activés – ou “en avant” – les vibreurs s’activent de l’arrière vers l’avant, comme s’ils poussaient le soldat dans cette direction.
Les ordres peuvent être envoyés d’une base, mais Elmar Schmeisser et Linda Elliot travaillent à un système permettant à un chef de section de communiquer avec ses hommes sur le terrain par des gestes de la main. Pour cela, ils ont fait appel à la société Anthro Tronix, qui a mis au point un gant muni d’accéléromètres capables de détecter les gestes de la main.
C’est une évolution intéressante et utile, déclare Katherine Kuchenbecker, qui dirige l’équipe d’haptique [science du toucher et de la perception du corps dans l’environnement] du laboratoire Grasp de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie. Son équipe a déjà conçu une veste tactile pour les jeux vidéo dont les vibreurs s’activent pour simuler un tir quand le joueur est touché. “La transmission d’informations directionnelles par la peau vient compléter le fait de voir et d’entendre son environnement”, ajoute-t-elle.
Linda Elliott a testé la ceinture haptique sur divers soldats, des rangers aux tireurs d’élite, au cours de six exercices qui se sont déroulés de jour et de nuit. Les intéressés devaient remplir diverses tâches, par exemple répondre à des demandes d’information et chercher des cibles tout en se déplaçant.
“Nous avons comparé les performances de la ceinture avec celles réalisées avec un GPS, une boussole et une carte”, déclare Linda Elliott. Si on prend pour critères le temps de navigation, les erreurs de parcours et les cibles détectées, la ceinture a obtenu d’aussi bons résultats. Qui plus est, les soldats ont adoré le système parce qu’ils n’avaient pas besoin de poser leur arme ni de quitter leur environnement du regard. Comme l’a dit l’un d’entre eux : “Ça libère les mains et l’esprit.”
Source du texte : COURRIER INTERNATIONAL / NEW SCIENTIST
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