FORCES SPÉCIALES : APRÈS LE FILM, LE LIVRE !
mardi 1 novembre 2011
L'aventure intérieure
Un peu comme le film éponyme, le livre Forces Spéciales, qui sort officiellement en librairie jeudi n'aurait pas dû voir le jour.
Mon éditeur, François de Saint-Exupery me l'a proposé fin juillet pour des textes qui devaient être rendus un mois et demi plus tard. Même à l'échelle de l'édition, c'est court. Et comme il a rigolé en le disant, j'ai compris qu'il valait mieux les rendre en avance, ce qui fut fait, d'ailleurs (1).
Pas simple, car en France, en août, tout s'arrête, ou presque : les acteurs, les vendeurs de taille-crayon, les... allez non, je ne balance pas, on va croire que je m'acharne.
On l'a fait, quand même. En plein mois d'août, Marius a été le premier à répondre à mes questions sur cette aventure humaine qu'il avait vécue, avec ce film. Retrouver un réalisateur qu'il avait pourtant ignoré totalement au début du tournage de A l'école des Bérets Verts, avant de lui promettre, bien plus tard qu'il répondrait si un jour il le rappelait.
Marius que j'avais croisé une première fois à Ouistreham, un mois de juin, avant que son visage ne devienne un emblème de rectitude transposé à l'écran dans un documentaire, puis un film de Stéphane Rybojad.
L'instructeur du Maître de guerre changeait de tee-shirt tous les jours pour berner ses élèves des Marines Recon, Marius, l'ancien du commando Montfort, lui, parle.
Et ses élèves percutent. Mon interview avec lui est la plus intense du livre. La plus courte aussi. Mais chaque mot compte, avec Marius.
Ensuite, j'ai pu interroger Jackie. L'ancien officier du 2e REP, devenu homme de com' (ci-dessus, avec Marius), est promu ambassadeur de France dans ce film. C'est un hasard et non, car il aura contribué à tenir ce film à bout de bras. A sa façon.
De conseiller technique, il a muté coach, directeur de la sécurité, logisticien... Je ne sais que dire de plus : si, ceci, l'armée n'a pas su ce qu'elle a perdu quand elle l'a perdu -définitivement-, au mois de juillet.
Avec une grande humilité, Jackie raconte comment ce film est né, comment il s'est tourné. Incontournable.
Puis vint Alain, l'autre Alain (Figlarz). Grâce à Robert (merci encore) j'ai pu entrer en contact avec Alain qui, de toute l'équipe, m'a consacré le plus de temps. Un témoignage truculent, haut en couleurs, et souvent en finesse pour ce comédien avant tout connu pour ses cascades.
Suivez ce commando, dans le film : il y a d'autres rôles pour cet Alain-là aussi. Pas dans la suite de Forces spéciales, en tout cas.
J'ai terminé ce round d'interviews par le réalisateur lui-même, que j'avais brièvement rencontré fin juillet.
Un mois après, Stéphane était déjà tendu par les premières projos. La presse cinéma n'avait rien de conquise, avec déjà des reproches qui ont poursuivi le film depuis. Des mots un peu grotesques (propagande, etc) qui font sourire quand on voit les films d'exception que le cinéma français a sorti ces dernières années (c'est du second degré...)
Pendant un peu plus d'une heure, un soir, on a donc parlé d'autre chose que les critiques, qui n'ont pas eu forcément tous la chance d'aller mettre un orteil en Afghanistan -les opex sont à... Cannes-, et on a remonté le Mekong.
Paradoxalement, le plus facile, dans ce livre, aura été d'écrire sur les sources d'inspiration de ce film : les forces spéciales elles-mêmes. Signaler telle invraisemblance du film (2). Relier telle histoire du film à telle réalité.
Ecrire sur ces commandos qui détestent qu'on parle d'eux... en espérant quand même qu'on parle, un jour, d'une façon juste de leur travail. Comme dans le film, la haine de la presse chez quelques uns égale néanmoins la capacité de la grande majorité à faire dans le discernement.
Comme tous les militaires, aujourd'hui, leur principale préoccupation porte aujourd'hui sur le manque de reconnaissance.
Pour en avoir croisé quelques uns dans le passé, accompagné des vétérans des commandos marine de 1944 à Spean Bridge en 2004, et avoir connu une année 2011 particulièrement riche en opérations spéciales, ces pages n'ont pas été dures à écrire. Sahel, Côte d'Ivoire, Libye et Afghanistan -deux morts chez les commandos marine depuis décembre, onze commandos du COS en tout depuis 2004- : on peut raisonnablement apprécier de disposer d'un outil aussi réactif.
Pour en avoir croisé quelques uns dans le passé, accompagné des vétérans des commandos marine de 1944 à Spean Bridge en 2004, et avoir connu une année 2011 particulièrement riche en opérations spéciales, ces pages n'ont pas été dures à écrire. Sahel, Côte d'Ivoire, Libye et Afghanistan -deux morts chez les commandos marine depuis décembre, onze commandos du COS en tout depuis 2004- : on peut raisonnablement apprécier de disposer d'un outil aussi réactif.
Bonne lecture, et rendez-vous, bientôt, pour d'autres écrits du troisième type.
(1) à coup d'injections massives de caféine : ce qui me valut de racheter un deuxième portable après que le premier ait succombé aux projections de la dite caféine suivie d'une belle chute (sans oxy).
(2) Evidemment ce film est passé par le tamis d'une production, il a fallu injecter trois mesures de pathos, deux de beaux gosses. Voire de l'invraisemblable (les deux talibans qui participent à la confection d'une tombe). Mais ce film est juste.
Forces Spéciales, Editions Nimrod, 34,90 EUR.
Source et Publié par mamouth leader à l'adresse 11/01/2011 12:14:00 AM
ET AUSSI
Point de vue
L'armée, la démocratie et le sacrifice d'un soldat
Le 14 juillet au matin, le second maître Benjamin Bourdet, du commando Jaubert, est mort au
combat dans la province de la Kapisa, en Afghanistan.
Dans la journée, on entendait les
commentaires de nos concitoyens, et certains d'entre eux estimaient que le sacrifice de
Benjamin Bourdet, comme celui des autres militaires français tués le jour précédent, était
inutile.
Ce jugement est insupportable et erroné. Il est insupportable pour les commandos de marine
que je commande, les militaires engagés sur les théâtres d'opérations, il est insupportable pour
leurs familles et leurs proches. Il est erroné : il procède d'une confusion entre les objectifs
politiques d'une guerre et le sens de l'engagement militaire.
commentaires de nos concitoyens, et certains d'entre eux estimaient que le sacrifice de
Benjamin Bourdet, comme celui des autres militaires français tués le jour précédent, était
inutile.
Ce jugement est insupportable et erroné. Il est insupportable pour les commandos de marine
que je commande, les militaires engagés sur les théâtres d'opérations, il est insupportable pour
leurs familles et leurs proches. Il est erroné : il procède d'une confusion entre les objectifs
politiques d'une guerre et le sens de l'engagement militaire.
C'est une confusion assez
"française" que l'on perçoit beaucoup moins dans les pays anglo-saxons, par exemple, où les
valeurs militaires sont reconnues et distinguées en tant que telles.
"française" que l'on perçoit beaucoup moins dans les pays anglo-saxons, par exemple, où les
valeurs militaires sont reconnues et distinguées en tant que telles.
Sens et utilité
Un commando de marine tué au combat n'est pas mort pour l'Afghanistan, les droits de
l'homme ou des intérêts stratégiques. Il est mort pour la France. Un militaire français qui
meurt au combat meurt toujours pour la France, quel que soit l'endroit où il perd la vie. La
valeur de son sacrifice n'est pas liée aux objectifs politiques poursuivis.
Nous votons, nous élisons nos dirigeants politiques. Ils débattent, ils décident l'engagement
des armées, ils en rendent compte à la nation. C'est la démocratie. A la suite de ces décisions
politiques, ouvertes, débattues, approuvées, les commandos de marine reçoivent des missions,
ils ne les discutent pas, ils les exécutent. Toujours au péril de leur vie. C'est ce qu'on attend
d'une force militaire dans une démocratie : l'obéissance du militaire à la décision politique et
la poursuite de l'objectif au péril de sa vie. La valeur de son sacrifice n'a pas de relation avec
la victoire ou la défaite.
Il y a des victoires, il y a des défaites, des hommes tombent au champ d'honneur, ils sont
également considérés et honorés. A Douaumont, en 1984, François Mitterrand et Helmut Kohl
se sont donné la main pour honorer vainqueurs et vaincus, tous militaires qui ont accompli
leur devoir sur le champ de bataille de Verdun.
On peut discuter de notre engagement militaire en Afghanistan, les parlementaires l'ont fait.
On peut estimer qu'il n'atteindra pas les objectifs initiaux, malgré l'engagement admirable de
nos soldats. On peut l'estimer inutile, ce que je ne crois pas.
Pour autant ces jugements
politiques et critiques n'enlèvent pas une once de sens et d'utilité à la mort au combat d'un
militaire, fidèle jusqu'au bout à son engagement envers son pays et ses concitoyens, fidèle
jusqu'au bout à ses frères d'armes aux côtés desquels il s'est battu, dans les bras desquels il est mort.
Distinguer la légitimité d'une fin et les vertus des moyens est une des qualités fondamentales
d'une démocratie.
politiques et critiques n'enlèvent pas une once de sens et d'utilité à la mort au combat d'un
militaire, fidèle jusqu'au bout à son engagement envers son pays et ses concitoyens, fidèle
jusqu'au bout à ses frères d'armes aux côtés desquels il s'est battu, dans les bras desquels il est mort.
Distinguer la légitimité d'une fin et les vertus des moyens est une des qualités fondamentales
d'une démocratie.
Au nom de cette qualité, que mes concitoyens honorent le sacrifice de mes
camarades pour ce qu'il est et ne le jugent pas pour les fins qu'il sert.
camarades pour ce qu'il est et ne le jugent pas pour les fins qu'il sert.
Christophe Prazuck, contre-amiral, commandant la force des fusiliers marins et commandos
Source: Le Monde.fr
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