vendredi 12 novembre 2010


Benoît XVI souligne «l'urgence» de redécouvrir la Parole de Dieu

Le pape a publié jeudi 11 novembre l'exhortation apostolique «Verbum Domini», qui fait suite au Synode sur la parole de Dieu d'octobre 2008
Un séminariste et des étudiants de Lille lisant un passage de la Bible, a Capharnaüm (Israël), lors du pèlerinage Aux Sources Terre Sainte, en juillet 2009 (Photo : P.RAZZO/CIRIC).
« Seule la Parole de Dieu peut changer profondément le cœur de l’homme, et il est alors important que chaque croyant et chaque communauté entrent dans une intimité toujours plus grande avec elle. » C’est par ces mots que Benoît XVI avait ouvert le 6 octobre 2008 la XIIe assemblée du Synode des évêques, la deuxième de son pontificat mais la première convoquée par lui, et dédiée justement à la « Parole de Dieu » pour « vérifier la mise en œuvre des indications conciliaires, et pour faire face aux nouveaux défis que le temps présent lance à ceux qui croient dans le Christ ». Pendant trois semaines, 253 pères synodaux, 41 experts et 37 auditeurs avaient réfléchi au moyen d’encourager les fidèles à approfondir une relation personnelle avec le Christ particulièrement à travers les Écritures et dans la liturgie, mais aussi d’améliorer la lecture et le travail sur la Bible en assemblée – lors de la messe – ou en petits groupes (via la lectio divina, par exemple), et même de la faire connaître au plus grand nombre grâce à l’art ou aux médias… Un peu plus de deux ans plus tard, le 30 septembre, jour de la fête de saint Jérôme connu pour ses traductions en latin de la Bible, le pape a signé l’exhortation apostolique Verbum Domini (« la Parole du Seigneur ») donnant suite aux 55 propositions que lui avaient remises les pères synodaux.

Redécouvrir que «le Verbe de Dieu» s’est «fait chair»

Dans ce long texte de plus de 200 pages, le pape dit, en introduction, accueillir « volontiers la demande des Pères de faire connaître au Peuple de Dieu tout entier la richesse ressortie des assises vaticanes et les indications exprimées dans le travail commun ». D’autant plus volontiers qu’à ses yeux aussi, « c’est un don et une tâche incontournable de l’Église » que de « communiquer la joie qui vient de la rencontre avec la personne du Christ, Parole de Dieu présente au milieu de nous». Par cette exhortation apostolique, Benoît XVI le reconnaît : il désire que « les acquis du synode influencent efficacement la vie de l’Église » dans des domaines aussi variés que « la relation personnelle avec les Saintes Écritures », « leur interprétation au cours de la liturgie et dans la catéchèse », ou encore « la recherche scientifique, afin que la Bible ne demeure pas une Parole du passé, mais une Parole vivante et actuelle ». De fait, tous ces aspects sont développés au fil des trois chapitres. De l’invitation faite à chacun de redécouvrir que « le Verbe de Dieu » s’est « fait chair » naît de belles pages sur les rapports qu’entretiennent Parole de Dieu et justice, Parole de Dieu et création.

Entreprendre une «nouvelle évangélisation»

Au plan pratique, Benoît XVI souligne une fois encore la nécessité d’« améliorer la qualité » des homélies. « On doit éviter les homélies vagues et abstraites, qui occultent la simplicité de la Parole de Dieu, comme aussi les divagations inutiles qui risquent d’attirer l’attention plus sur le prédicateur que sur la substance du message évangélique », demande-t-il, reconnaissant souhaiter, comme cela avait été exprimé au synode, un « Directoire sur l’homélie ». Il recommande aussi que « les lectures tirées de la Sainte Écriture » ne soient « jamais » remplacées par « d’autres textes ». Ou que les chants choisis lors des célébrations soient ceux qui sont « clairement » inspirés par la Bible, comme les chants de « la Tradition de l’Église », en particulier « le chant grégorien ». Cette redécouverte de la Parole de Dieu, outre un renouveau spirituel, doit, pour le pape, permettre aussi à l’Église d’entreprendre une « nouvelle évangélisation, surtout dans les pays où l’Évangile a été oublié ou souffre de l’indifférence du plus grand nombre en raison d’un sécularisme diffus ». De fait, Verbum Domini exhorte tous les catholiques à « l’annonce explicite » de la Parole de Dieu, dans un véritable « élan missionnaire », et encourage à prendre « les moyens les plus efficaces pour la proclamer, même au risque de la persécution ».

Le pape étudie l'accès des femmes au ministère de lecteur

Sur un point, Benoît XVI ne répond pas aux pères synodaux qui avaient souhaité élargir aux femmes le ministère institué de « lecteur », aujourd’hui réservé aux hommes, plus généralement à ceux se préparant au sacerdoce. Présentant jeudi le texte à la presse, le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques et ancien rapporteur général du synode d’octobre 2008, a toutefois indiqué que ce souhait était « pris en considération » par le pape. « Le Saint-Père est en train d’étudier actuellement cette question », a-t-il assuré avant d'expliquer qu'il s’agissait d’aller vers «une reconnaissance plus officielle de l’Eglise pour ce ministère laïcal». Comme les pères synodaux en revanche, Benoît XVI alerte face à « la prolifération des sectes qui répandent une lecture déformée et instrumentalisée de la Sainte Écriture », pointant par là notamment une « lecture fondamentaliste » de la Bible, ou des « lectures qui ne respectent pas la nature authentique du texte sacré, favorisant des interprétations subjectives et arbitraires ».

«Le dialogue avec les juifs est précieux pour l’Église»

Autre sujet d’attention pour lui : le « péril du dualisme » entre exégèse et théologie. L’ancien professeur de théologie vise d’une part une exégèse qui se limiterait à la méthode historico-critique et deviendrait une « herméneutique sécularisée » ramenant tout « à la dimension humaine », et d’autre part une théologie qui s’ouvrirait « à la dérive d’une spiritualisation du sens des Écritures ». Benoît XVI souhaite lui, et comme à l’accoutumée, un dialogue harmonieux entre « foi et raison ». Enfin, et alors que, pour la première fois, un non-chrétien – Shear-Yashuv Cohen, le grand rabbin de Haïfa (Israël) – avait été invité à venir s’exprimer devant les pères synodaux, le pape réaffirme « encore une fois combien le dialogue avec les juifs est précieux pour l’Église ». Et demande qu’entre chrétiens et musulmans « se poursuivent et se développent » des « rapports inspirés par la confiance ». « Toutes les religions devraient inciter à un usage correct de la raison et promouvoir des valeurs éthiques qui construisent la coexistence civile », rappelle-t-il après de nouvelles attaques meurtrières contre des chrétiens en Irak.
Anne-B
=========================================

Benoît XVI s'oppose aux sectes fondamentalistes

Par Jean-Marie Guénois

11/11/2010
Benoît XVI,à Barcelone,le 7 novembre dernier.
Benoît XVI,à Barcelone,le 7 novembre dernier. Crédits photo : CHRISTOPHE SIMON/AFP

Le Pape a publié jeudi le document de conclusion du synode de 2008 sur la «Parole de Dieu».

Comment manier le texte sacré ? Derrière la technicité de «l'exhor- tation apostolique postsynodale» publiée jeudi à Rome, par Benoît XVI, deux cents pages très denses, véritable conclusion normative du synode sur la «Parole de Dieu» qui avait réuni, il y a deux ans à Rome, les meilleurs théologiens et experts internationaux de la Bible, se pose une question très simple. Elle touche toutes les religions : peuvent-elles entretenir une distance critique avec le texte même qui fonde leur foi et est souvent protégé par le statut sacré ?

Le Pape, sur la base des réflexions des 250 pères synodaux qui ont travaillé pendant trois semaines en octobre 2008 et ont formulé, à l'issue, 55 propositions, donne donc une réponse pour l'Église catholique, même si elle n'a pas toujours eu, contrairement aux protestants, cette familiarité avec le texte même de la Bible. Mais ce qu'il écrit dans cette exhortation postsynodale est digne d'intérêt pour d'autres religions.

Car, derrière la question de la relation au texte, surgit le problème massif de «l'interprétation ». Notamment quand le sens du texte de la Bible est obscur.

Certains courants, fondamentalistes - pas seulement musulmans, avec le Coran, mais protestants, pour la Bible -, militent, y compris chez les catholiques, pour une interprétation littérale.

Alors que d'autres courants d'exégètes catholiques (les spécialistes du texte de la Bible) décortiquent à ce point le texte qu'il en perd parfois sa substance spirituelle.

L'art de l'homélie

Benoît XVI rejette vertement la première option : «Il faut une foi qui, maintenant un rapport adéquat avec la droite raison, ne dégénère jamais en fidéisme, fauteur d'une lecture fondamentaliste de l'Écriture. » Quant aux exégètes, il leur demande de mettre leur connaissance scientifique du sens et du langage, «au service» de la théologie. Sinon, ils font des «dégâts» en semant le «doute sur les mystères fondamentaux du christianisme».

Autre insistance, qui est, au passage, l'un des grands débats chez les théologiens musulmans, le «nécessaire dépassement de la lettre».

Oui, affirme le Pape, il faut distinguer «sens littéral et sens spirituel», mais «le processus d'interprétation authentique» requiert «une pleine implication dans la vie ecclésiale». Il se trouve donc, selon lui, à l'intérieur de l'Église catholique.

L'objectif de tout cela est d'encourager les catholiques à se plonger dans les Écritures - «chaque foyer» doit avoir sa bible - pour «proclamer la parole de Dieu», «même au péril de la persécution».

Car «il n'existe pas de priorité plus grande que celle-ci : ouvrir à nouveau à l'homme d'aujourd'hui l'accès à Dieu».

Et lutter aussi contre «la prolifération des sectes qui répandent une lecture déformée et instrumentalisées de la Sainte Écriture».

À côté de ces hautes considérations théologiques, le Pape insiste sur des aspects très pratiques. Comme l'art de l'homélie, ce commentaire du prêtre, après les lectures de la messe : «On doit éviter les homélies vagues et abstraites, (…) comme aussi les divagations inutiles qui risquent d'attirer l'attention plus sur le prédicateur que sur la substance du message évangélique.»


Bénédicte HOFFNER (avec I.Media)
!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!




Aucun commentaire: