mercredi 11 décembre 2013

VOILE ISLAMIQUE


 

Trappes : la loi sur le voile intégral en accusation au procès de Cassandra Belin.

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Cassandra Belin, la femme voilée dont le contrôle avait dégénéré en juillet, doit être jugée mercredi à Versailles pour outrage. 

Elle ne se rendra pas à l'audience, mais son avocat compte plaider l'inconstitutionnalité de la loi sur le voile intégral.


Le procès de Cassandra Belin, la «femme au niqab» de Trappes (Yvelines), doit s'ouvrir mercredi matin à Versailles. La jeune femme de 20 ans avait été l'objet d'un contrôle d'identité alors qu'elle rentrait voilée avec son bébé et son mari chez sa mère pour rompre le jeûne du ramadan, au soir du 18 juillet. Ce contrôle, mené par trois fonctionnaires de police, avait dégénéré lorsque la mère de la jeune femme avait voulu s'interposer entre le couple et les policiers. 

 Ce contrôle tendu suivi du placement en garde à vue de Michaël Khiri, l'époux de la jeune femme avaient créé une forte émotion dans le quartier des Merisiers à Trappes, théâtre dans les jours suivants de graves débordements.

La loi sur le voile en question

Michaël Khiri, l'époux de Cassandra, a déjà été condamné à 3 mois de prison avec sursis pour s'être violemment opposé à ce contrôle, justifié par la loi sur la dissimulation du visage de 2011, une loi qu'il a qualifiée lors de sa comparution d'«illégitime». Cassandra Belin doit pour sa part être jugée pour outrage, les policiers l'accusant d'avoir proféré des insultes. Ce qu'elle a partiellement admis, reconnaissant avoir dit «Ferme ta gueule!», mais niant avoir lancé aux policiers «Allah va t'exterminer!».

Au-delà de ces faits, ce procès devant le tribunal correctionnel sera également celui de la loi qui a justifié ce contrôle d'identité - un texte interdisant de «porter une tenue destinée à dissimuler son visage», entré en vigueur en avril 2011. 

En effet, Me Philippe Bataille, l'avocat de la jeune femme, a déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), pour que soit examinée la compatibilité de cette loi avec la Constitution. 

En d'autres termes, l'avocat considère que les termes de cette loi entrent en contradiction avec les principes fondamentaux de la République. Si le tribunal correctionnel décidait de transmettre cette QPC à la Cour de cassation - qui aurait ensuite à décider de la faire suivre ou non pour examen au Conseil constitutionnel -, le procès serait une nouvelle fois renvoyé, dans l'attente d'une réponse à cette question qui touche au coeur même de l'infraction: la loi qui la définit.

Un «test des institutions»

Pourtant, cette loi est déjà passée devant les Sages du Conseil constitutionnel, avant même d'être votée, à la demande des présidences de l'Assemblée nationale et du Sénat, précisément pour éviter cette «insécurité juridique».
Mais, selon l'avocat, «le principe de la liberté d'aller et venir, consacré par le Conseil constitutionnel comme principe fondamental, les principes généraux de laïcité, de dignité humaine, de sécurité publique et d'ordre public» notamment, n'ont pas été examinés. 

Le parquet s'est malgré tout d'ores et déjà opposé à cette QPC. Me Bataille, lui, reste combatif: «plus je me documente, plus cette loi suscite des critiques…»

Un avis que ne partage pas Me Thibault de Montbrial, avocat des policiers plaignants. Lui considère le fait de refuser un contrôle policier comme le «test de nos institutions par une minorité radicale islamiste. Ils bousculent les institutions tout en se prévalant de nos lois et valeurs pour obtenir des exceptions à ces lois. Si les institutions cèdent, on se prépare à des lendemains difficiles…», avait-il lancé le 30 octobre, lors d'une première audience devant le tribunal, renvoyée pour des questions de procédure.

«Une supposée islamisation rampante»

Entre-temps, le parquet de Versailles a ouvert une information judiciaire contre un des trois policiers ayant participé au contrôle d'identité pour «incitation à la haine et à la discrimination raciale». Il avait notamment publié sur son compte Facebook une photo du groupe «Les femmes blanches sont les plus belles» dénigrant une femme en niqab. 

Cet autre volet de l'affaire de Trappes montre, selon Me Bataille, qu'il y a «une forte suspicion sur les conditions du contrôle d'identité», pouvant justifier de défendre la jeune femme au nom de l'excuse de provocation. «Cette loi mise entre les mains de certains policiers islamophobes est un permis de chasser les femmes intégralement voilées», avait-il lâché à la presse le 30 octobre.

Cassandra Belin sera quant à elle absente à l'audience de mercredi. «Elle ne veut pas être perçue à tort comme le symbole d'une supposée islamisation rampante», justifie son avocat Me Philippe Bataille.

La loi sur le port du voile a déjà été contestée le 27 novembre devant la Cour européenne des droits de l'homme à Strasbourg, saisie par une Française de 23 ans portant le niqab.

La décision, sans appel, sera rendue en 2014.




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