Le : 23 Avril 2012
Dix enseignements sur le premier tour de l'élection présidentielle de 2012
Une fois de plus, les électeurs ont été trompés par les médias et par les sondages.
Une fois de plus, la bipolarisation remet en scène les éternels duettistes de l’UMP et du PS.
Une fois de plus, la campagne met en scène les oppositions verbales et camoufle les convergences de fond.
Andrea Massari décrypte pour Polémia les résultats du premier tour de l’élection présidentielle de 2012.
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1-Un nouveau désaveu de la classe médiatico-sondagière
Depuis plusieurs semaines les médias et
les sondages scénarisaient deux duels : Hollande/Sarkozy pour la
première place, Mélenchon/Le Pen pour la seconde. Au final, il y sept
points d’écart entre le candidat du Front de gauche et la candidate du
Front national : l’un était surestimé de 3,5 points, l’autre sous-estimé
d’autant. Il est vrai que Mélenchon (11,11%) bénéficiait à la fois de
la sympathie de nombreux journalistes trotskystes et de la bienveillance
intéressée des stratèges sarkozystes… En novlangue, quand les médias et
les sondeurs ont bobardé on dit que les résultats sont une « surprise
».
2-Le vrai échec de Mélenchon
Mélenchon a réussi à polariser sur son
nom les voix de l’extrême gauche ; mais celles-ci, malgré la crise
économique et la contestation du capitalisme financier plafonnent à
moins de 13% (Mélenchon + Poutou + Artaud). C’est un peu mieux qu’en
2007, mais moins bien qu’en 2002.
3-L’incontestable succès de Marine Le Pen
Avec plus de 17,90% des suffrages
exprimés, Marine Le Pen dépasse les meilleurs résultats de son père.
Certes, elle n’atteint pas, en pourcentage, le total Le Pen + Mégret de
2002 (19,20%), mais en nombre de suffrages (plus de 6,3 millions) et en
pourcentage des inscrits (près de 15%), c’est un record absolu !
Le couplage stratégie de «
dédiabolisation » puis retour sur les « fondamentaux » (immigration et
sécurité) dans la dernière ligne droite a plutôt bien fonctionné.
4-Le niveau du « bloc patriotique » est élevé
Si l’on regroupe les électeurs par
rapport au discours qui leur a été adressé, on peut parler d’un « bloc
patriotique », au moins par le verbe, avec Marine Le Pen, Nicolas
Dupont-Aignan et Nicolas Sarkozy et ses paroliers (Buisson et Peltier,
Guaino et Emmanuelle Mignon). Ce « bloc patriotique » se situe à un
niveau élevé et le tricolore fait recette avec 47% des suffrages.
C’est plus qu’en 2007 où le score
s’établissait à 45% (Le Pen père + Sarkozy + Villiers + Nihous). C’est
plus aussi que le bloc de gauche en 2012 qui se situe à 43%.
Mais s’ils sont importants par ce qu’ils
révèlent de l’état de l’opinion, ces résultats ne permettent en rien de
prédire un succès sarkozyste au deuxième tour.
5-L’équation impossible de Nicolas Sarkozy
A 20h15 dimanche, la gauche était déjà
rassemblée. Et il est raisonnable de croire que 85% des électeurs de
Mélenchon, des petits candidats trotskystes et d’Eva Joly se reporteront
sur Hollande (28, 63%). A contrario, les électeurs de Bayrou et de Le
Pen se partageront plus ou moins également entre Sarkozy, Hollande et
l’abstention.
Ainsi, pour gagner, Sarkozy (27,18%)
devrait récupérer au moins les trois quarts de l’électorat lepéniste :
un pari difficile, jamais réussi dans le passé ; et un pari qui sera
d’autant moins facile à gagner cette année que Marine Le Pen appellera
probablement à l’abstention dimanche 1er mai, Place de l’Opéra.
6-Le grand écart sarkozyste
Dans l’entre-deux tours, Sarkozy va
poursuivre la stratégie Buisson : les oreilles des électeurs de Marine
Le Pen vont être saturées de petite musique nationale et de flonflons
patriotiques. Et le projet socialiste de droit de vote des étrangers aux
élections municipales va être brandi devant leurs yeux comme un
épouvantail.
Pourtant, comme l’a rappelé le directeur
stratégique de Marine Le Pen, Florian Philippot, lors de la soirée
électorale, il y a un fossé entre Sarkozy et Le Pen : l’un défend le
système mondialiste, l’autre le combat, l’un accepte l’abandon de la
souveraineté française, l’autre le refuse, l’un s’oppose à la préférence
nationale (ou la priorité nationale), l’autre la promeut.
Comme en 2007, Sarkozy peut tout
promettre en paroles à condition de n’en rien faire dans les actes (pour
ne pas perdre l’appui des oligarchies qui le soutiennent). En 2007, il a
été cru sur ses seules paroles. Mais après cinq ans d’expérience
présidentielle son discours ne peut que se heurter à un certain
scepticisme des électeurs. Chat échaudé craint l’eau froide ! Ce qui
rend incertaine en 2012 la réussite du renouvellement de la manœuvre
électorale de 2007 : tous les électeurs n’ont pas la mémoire-tampon du
poisson rouge…
7-Front national : les ambiguïtés de la « dédiabolisation »
Marine Le Pen a déclaré quelques jours
avant le premier tour que, dans l’esprit des électeurs en tout cas, la
bataille de la dédiabolisation était gagnée. C’est en partie vrai,
encore qu’incomplètement, car manifestement une partie des sondés ont
continué de cacher leur vote.
Et surtout les mécanismes de
diabolisation et d’intimidation du Système sont toujours en place.
L’écrivain Renaud Camus a apporté son soutien à Marine Le Pen : mais
malgré les prudences de langage et les précautions historiques qu’il a
prises dans la tribune libre qu’il a adressée au Monde, il a,
dans la foulée, perdu son éditeur. Le DRH du groupe Marie-Claire, Marc
Desgorces, a, lui, rejoint le comité de soutien à Marine Le Pen, il a
immédiatement été frappé d’interdits professionnels.
Cela s’explique. Certes, Marine Le Pen
s’est démarquée des positions les plus « sulfureuses » de son père.
Mais, en continuant à défendre la préférence (ou priorité) nationale, en
refusant le droit du sol, en combattant les abandons de souveraineté à
l’Union européenne, à l’OMC, à l’OTAN, en préconisant un protectionnisme
raisonnable, elle reste profondément politiquement incorrecte.
C’est ce qui fait son intérêt pour ses
électeurs. Mais c’est aussi ce qui la désigne comme une ennemie pour
l’oligarchie financière et médiatique. D’où la persistance des
mécanismes de diabolisation : ainsi Marine Le Pen, qui qualifie le
nazisme de « pire abomination », reste diabolisée pendant que Mélenchon,
qui fait l’apologie de la terreur et assume sans complexe le goulag
(100 millions de morts), est toujours présenté comme un gentil garçon… A
la mode anglo-saxonne, il y a les « good guys » d’un côté, les « bad
guys » de l’autre.
8-Marine Le Pen : le défi de l’après-présidentielle
Bref, Marine Le Pen a encore du chemin à
faire pour renverser la table… D’autant que jusqu’ici chaque période
post-présidentielle a été une épreuve pour le Front national. Car au
soir du premier tour les lampions médiatiques s’éteignent. Les caméras
se braquent sur les deux seuls candidats restés en lice pour le second
tour. Puis sur les cérémonies d’investiture du nouveau président et la
constitution du nouveau gouvernement. Après un mois de diète médiatique
les législatives arrivent avec un mode de scrutin particulièrement
défavorable, d’autant que l’enracinement local du Front national est
aujourd’hui très faible.
Certes, Marine Le Pen va tenter de
changer la donne. Elle vise, pour le Rassemblement bleu marine qu’elle
va constituer, un score important, de nombreuses triangulaires comme en
1997 et des élus au deuxième tour. Elle entend pour cela se présenter
comme la nouvelle opposition : ce qui suppose évidemment l’élection de
François Hollande, au demeurant arithmétiquement très probable.
9-La crise en embuscade pour le nouveau président
Quel que soit le vainqueur, l’état de
grâce du nouveau président sera bref. La crise financière, l’ampleur de
la dette et du déficit extérieur (80 milliards) reviendront très vite au
premier rang de l’actualité. Les promesses électorales seront
intenables. Et l’opinion sera d’autant plus déçue qu’à part venant de
Bayrou elle n’a guère entendu de discours de rigueur. Or Bayrou, qui
avait eu le courage de parler de la dette en 2007, n’en a guère été
récompensé en 2012 où il n’a rassemblé que 9,13% des suffrages.
Reconnaissons d’ailleurs que les deux tiers des électeurs (Hollande,
Sarkozy, Bayrou) ont implicitement choisi la poursuite des politiques de
mondialisation (comme ceux de l’internationaliste Mélenchon
d’ailleurs). Cela ne peut que déboucher sur une amplification de la
crise et un nouveau bond du chômage.
10-Les ambiguïtés du « vote utile »
« Au premier tour on choisit, au
deuxième on élimine », la vieille formule va à nouveau s’appliquer.
Hollande va s’efforcer de rassembler tous ceux qui veulent le départ de
Sarkozy. A contrario, Sarkozy va faire une campagne du type « Au secours
la gauche revient ! » La peur va à nouveau servir à mobiliser les
électeurs de droite.
Reste à savoir si, à tout prendre, il ne
serait pas plus démonstratif et moins dangereux d’avoir Hollande aux
commandes pour faire face au rebond de la crise. Reste aussi à savoir si
une présidence Hollande ne permettrait pas un profond renouvellement
des majorités municipales en 2014.
Or il y a aujourd’hui moins de
différences entre la droite et la gauche en politique nationale (parce
que celle-ci se fait dans les instances internationales) que dans les
politiques locales (où les élus sont plus libres, y compris vis-à-vis du
politiquement correct).
Bref, pour avoir des maires de « droite »
en 2014, ne vaudrait-il pas mieux voter Hollande en 2012 ? Alors, que
le meilleur perde ? Que nos lecteurs se rassurent : ces propos
provocateurs visent simplement à montrer la complexité des jeux
stratégiques et des votes tactiques…
Andrea Massari
23/04/2012
23/04/2012
Voir aussi :
Correspondance Polémia – 23/04/2012
Image : Marine Le Pen
et son directeur de campagne Florian Fhilippot .Le directeur de campagne
de Marine Le Pen (FN), Florian Philippot, a exclu lundi de « discuter »
avec l'UMP d'ici le second tour, estimant que son mouvement n'était «
pas dans la compromission et les petites combines politiciennes » (AFP
23/04/2012 – 10.28)
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