La nouvelle se répand jusqu'aux confins de l'Europe...
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Une victoire à la Pyrrhus Les catholiques, croyant à peine à leur victoire, prennent position et se réarticulent sur le terrain qu'ils viennent de conquérir au prix fort. Leurs valets d'armes et écuyers trient les blessés et ramassent les armes éparses, lorsque soudain vingt mille musulmans, que leur chef avait ralliés, reviennent engager le combat. Les croisés, accablés par la chaleur et la fatigue et ne s'attendant plus à être attaqués, frémissent un instant. Taki-Ed-Din, neveu du sultan, entouré de bannières jaunes, chevauche en tête des mameluks. Richard riposte immédiatement et fonce le premier, moissonnant les crânes sous les coups de taille de son épée. Au moment où l'ost victorieux se remet en marche vers Arsur, un dernier groupe de musulmans poussés au désespoir, vient accrocher l'arrière-garde. Richard, suivi seulement de quinze chevaliers hurlant : «Dieu, secourez le Saint-Sépulcre ! » rétablit l'alignement des hospitaliers.
En fin de journée, le héraut et les poursuivants d'armes comptent les pertes : elles sont évaluées à huit mille musulmans, mais surtout à trente-deux émirs. Du côté catholique, la victoire coûte mille chevaliers et sergents d'armes. Parmi eux, la perte la plus cruelle se trouve en la personne de Jacques d'Avesnes, unanimement respecté et aimé pour son intrépidité. Les secours le trouvent déjà mort, couvert de blessures au milieu de ses compagnons et de ses parents tués à ses côtés. Après avoir eu un bras et une jambe coupés, il n'avait point cessé de combattre ; s'écriant en mourant : « Oh Richard, venge ma mort ! » Le lendemain du combat il est enseveli à Arsur, dans l'église de la Vierge, en présence de l'ensemble de l'ost.
Les grands seigneurs réunis en conseil se partagent entre ceux qui veulent marcher sur Jérusalem par un raid éclair, afin de profiter de la démoralisation de l'ennemi et ceux qui préfèrent avancer méthodiquement en relevant les fortifications des étapes. Le premier parti, guidé par le duc de Bourgogne, se heurte au second. Finalement, le roi d'Angleterre renonce au destin de l'imperium universel qu'aurait pu lui donner la ville sainte. Il se contente de relever les murailles de Joppé, considérant le premier que l'Angleterre a plus intérêt à régner horizontalement sur les mers que de servir verticalement le ciel. C'est là toute la différence entre une thalassocratie et un « imperium », entre le service de Mammon et la gloire de Dieu. Richard Cœur-de-lion en quête de légitimité Pourquoi les chevaliers burgondes laissent-ils à leurs frères d'armes normands l'honneur de charger en tête ce 7 septembre 1191 ? Pourquoi les fils de la tribu la plus sacrée de tous les peuples germaniques, équivalent nordique des cohanimes et des lévites, héritiers de la Lotharingie impériale, permettent-ils à une poignée de danois francophones sous le sceptre incertain d'une lignée entachée de bâtardise la gloire de mener l'assaut ? Pourquoi après la victoire, le roi Richard séjourne-t-il si longtemps à Arsur ? C'est alors que Richard, en souvenir du duel avec le sultan et par défi à l'égard des Francs, change d'armes et porte de 1191 à 1198 « De gueules à deux lions affrontés d'or. » Depuis la conquête de l'Angleterre en 1066 par la dynastie danoise de Guillaume, les rois normands sont en quête de légitimité.
Une première manœuvre sous couvert de droit canonique donne à l'île le statut de dot de la Vierge, mais il faut compléter cette opération de métapolitique par un acte de sacralisation du roi. Les « cramp-rings », ou anneaux thaumaturgiques, ne suffisent pas à soutenir la comparaison avec la dynastie franque. Celle-ci, rendue héritière de David et de Salomon par la grâce du baptême de Reims en 496, donne au peuple franc la qualité de nouveau peuple élu.
D'âpres discussions animent le chapitre de Westminster, organisateur du sacre de 1189, d'où il appert que les Anglo-Normands doivent hériter des Samaritains.
Dès lors, la croisade se fixe comme objectif le lieu sacré susceptible de donner au roi son droit divin incontestable. Il lui faut l'équivalent du rang d'avoué du Saint-Sépulcre, puisque Godefroy de Bouillon est issu de la lignée mérovingienne baltique.
Si les rois francs porteurs du sang lumière règnent légitimement sur Jérusalem en la personne de l'un de leurs princes, il est ontologiquement vital pour les héritiers du traité de Saint-Clair-sur-Epte de capter en Terre Sainte l'icône des royaumes catholiques d'occident.
La réponse est toute trouvée grâce à Arsur. Si le grand-prêtre Élie repose bien sur la colline, lui seul est capable de bénir post-mortem la légitimité des rois de la Tour Blanche de Londres. Tous connaissent la fameuse scène vétérotestamentaire d'Elcana (El- Kana) et de sa femme Anne présentant leur fils Samuel au Temple.
Cet épisode biblique, tiré du « Livre I » de Samuel, montre comment l'enfant est d'abord consacré à Dieu avant de devenir juge d'Israël. Celui-ci, au crépuscule de sa vie, entend les anciens du peuple autour de lui à Rama, qui l'apostrophent : « Tu es devenu vieux et tes fils ne suivent pas ton exemple. Eh bien! établis-nous un roi pour qu'il nous juge, comme toutes les nations.» (1S VIII, 4-5). Cet extrait de l'Ancien Testament relate par le détail une phase critique de l'histoire d'Israël : le passage de la période des Juges à celle des Rois. Il s'agit d'un véritable cataclysme métaphysique, concomitant au passage du semi-nomadisme à la sédentarisation, rassemblant les tribus autour d'un roi. Le clergé anglo-normand mesure le parti qu'il peut tirer de cette aubaine tombée du ciel, cette véritable manne capable de souder en un seul peuple les pèlerins saxons et les chevaliers normands en quête de la même rédemption. Le tombeau du grand-prêtre Élie possède une dimension encore plus grande : c'est le nom du prophète enlevé dans un char de feu. Au cours de son existence terrestre, parmi les nombreux événements qui l'émaillent, il est connu pour avoir dormi sous un genêt : il n'en faut pas plus aux Plantagenêt pour y enraciner leur propre tige antérieure à celle de Jessé ! Excellente occasion de christianiser la légende remontant à Geoffroy V le Bel, chevauchant dans une lande de genêts entre Angers et Le Mans (certains disent près de la nécropole royale de Fontevraud), où il aurait aperçu une licorne à tête de femme et vêtue d'un manteau d'or !
Il est aussi à craindre que de ces manipulations symboliques d'une royauté rivale de celle de David, reposant sur la réédition de l'acte sacrilège de Saül consultant une nécromancienne, soit issue la malédiction qui pèse sur la perfide Albion. Un accord de raison entre Francs et Normands Après la bataille, le statut de cette garnison si dangereuse aux marches du royaume change. Revenue dans les apanages de la couronne, la ville est confiée en 1207 à Jean d'Ibelin « le vieux sire de Barut ».Maison d’Ibelin: « d'or à la croix pattée de gueules » Celui-ci épouse Mélisande d'Arsur, héritière du domaine. Leur fils, Jean II d'Ibelin d'Arsur, va construire le château en 1241. Son propre fils Balian, mieux placé que quiconque pour évaluer la menace des Mamelouks, prend vite conscience qu'il n'a aucun espoir de se défendre avec ses propres commensaux. Il vend ses droits féodaux à l'ordre hospitalier de Saint-Jean. Sous le régime des rudes moines-guerriers, une nouvelle tranche de travaux améliore les fortifications. La forteresse comporte le noyau initial du seigneur d'Ibelin, autour duquel des courtines concentriques ont été ajoutée par son fils et par les Hospitaliers, cernées d'un puissant fossé pentagonal. La chute d'Arsur De la sorte, la porte et la forteresse d'Arsur dans son ensemble appartient à l'univers franc. En avril 1265, précédé de sa terrible réputation, le sultan mameluck Baybars déferle sur la région.
Avertis de longue date par leurs espions, les Hospitaliers ont déjà doté la place d'une garnison renforcée et réapprovisionnent les magasins d'intendance. Après quarante jours d'assauts répétés, soutenus par de puissantes machines de siège, auxquelles s'est joint le sultan payant de sa personne au premier rang, la ville basse tombe. Seule consolation, le sultan est blessé. Annexes Élève du baron Gros, prix de Rome à l'âge de 24 ans avec Damon et Pythias, il maîtrise un art de dessinateur soigné et vigoureux, parfois un peu trop académique. Plutôt bon coloriste, il pèche parfois dans les lumières. Très apprécié par Louis-Philippe et ses fils, il se spécialise dans les scènes d'histoire et les portraits de chefs comme Du Guesclin, les maréchaux de Laval, de Choiseul, de Noailles, du comte de Montgomery, du comte-duc d'Olivares et du duc de Guise. Son chantier le plus important est livré au château de Versailles avec l'Entrée de Charles VIII à Naples (1837) et la Prise de Rhodes (1840). Généalogie de la maison d'Avesnes En 1020, Guéric le Sor, seigneur d’Avesnes, s'empare de Leuze par la force en prétextant être l'héritier de Gérard de Roussillon. x fils, Jean d’Avesnes, qui devient finalement comte de Hainaut malgré l'opposition de sa mère Marguerite. (*) LAMARQUE (Ph.) et CONSTANS (Claire), « Les Salles des Croisades du château de Versailles ». Introduction de M. le doyen Jean Richard, membre de l’Institut, les éditions du Gui, 2002, ouvrage lauréat du prix Henri Texier II 2005 de l’Académie des Sciences morales et politiques. ISBN 978-2951741713. (*) Pendant l'opération Barbarossa, dite aussi croisade antibolchévique (sic), les aumôniers des armées européennes ont célébré un grand nombre de messes en plein-air en installant leur autel sur un Panzer. Armoiries de la Fédération de Russie. Toujours Saint Georges… Consulter LAMARQUE (Ph.), L’armorial du Premier Empire Ouvrage lauréat de l’Académie française, éd. du gui, 2008 |
Article de Philippe Lamarque Bataille d’Arsur remportée par Richard Cœur de Lion et Hugues III de Bourgogne |
Carte établie par Elisabeth Féghali à partir de la Chronique, « Des choses avenues en la terre d'outremer », de Guillaume de Tyr (troisième tiers du XIIè siècle).
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